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Casablanca au temps des paquebots de ligne par Cdt. Abdelfattah Bouzoubaa

centenaire du port de Casablanca
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Les paquebots ont commencé à escaler à Casablanca dés 1906, avant la construction du port, et opéraient à partir de la rade. Les paquebots, comme les cargos, mettaient à l’ancre à une distance de 1.000 ou 1.200 mètres de la côte et des barcasses venaient accoster le long des navires pour charger ou décharger passagers et marchandises. On disait  alors de Casablanca que c’était un « port à barcasses ».

Lorsque les barcasses retournaient à ce qui était alors le « port » face à Bab El Marsa, les passagers étaient débarqués à dos d’homme pour ne pas être mouillés.

Ces barcasses en bois qui étaient construites localement étaient manœuvrées à la rame et avaient une capacité de chargement de 10 tonnes.

 

Construction du port de Casablanca

 Sous le règne du sultan Moulay Abdelaziz, un contrat avait été signé en 1904 avec une société française, la Compagnie Marocaine, pour la construction d’un port pour permettre aux barcasses d’effectuer les opérations de manutention des marchandises à l’abri de la houle. La construction de ce  port a commencé en 1907 mais le projet initial a changé de dimension suite à l’établissement du Protectorat en 1912 et à la découverte des mines de phosphates de Khouribga en 1921.

Toutefois ce n’est qu’à partir de 1924 que les paquebots ont commencé à accoster à quai, le long de la jetée Moulay Youssef pièce maitresse du nouveau port en cours de construction. A partir de la mise en service du Môle du Commerce en 1932, les paquebots n’ont plus accosté qu’à ce quai où une gare maritime avait été construite. 

Paquebots de ligne et paquebots de croisère.

Les paquebots qui touchaient Casablanca au cours de la première moitié du 20ème siècle étaient des paquebots de ligne. Ces paquebots qu’on appelait aussi « courriers » tirent leur nom de l’appellation anglaise « packet boat ». Les armateurs de ces navires bénéficiaient de concessions et de subventions pour le transport du courrier.

Les paquebots ont connu leur âge d’or entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle, puis entre la 1ère et la 2éme guerre mondiale. Cet âge d’or correspond à l’époque des colonies et aux périodes des grandes migrations d’Europe vers les Amériques.

Comme les avions aujourd’hui, les paquebots  étaient à l’époque le principal, sinon le seul moyen de transport de masse des personnes. Les paquebots transportaient  les passagers sur des lignes régulières bien établies comme celle reliant Liverpool à New York par exemple, d’où leur nom de paquebots de ligne par opposition aux paquebots de croisière que l’on connait aujourd’hui.

Au début des années 1920 le port de Casablanca était relié par des lignes régulières aux ports de  Bordeaux, Marseille, Gibraltar, Oran et Anvers. 47.000 passagers ont transité par le port de Casablanca en 1920. 

Paquet et Transat.

 L’histoire des paquebots de ligne qui escalaient à Casablanca au cours de la première moitié du 20ème siècle est intimement liée à celle de deux armateurs : La Compagnie de Navigation Paquet et la Compagnie Générale Transatlantique.

Nicolas Paquet a fondé à Marseille en 1863 la Compagnie de Navigation Marocainequi reliera à partir de cette date Marseille au Maroc, aux Iles Canaries et au Sénégal par des cargos et des paquebots. Devenue Compagnie de Navigation Paqueten 1913 elle a continué à desservir Tanger et Casablanca au départ de Marseille par des paquebots dont certains sont devenus célèbres comme « Koutoubia » qui a fait une carrière de plus de 30 ans sur cette ligne. Une place de Casablanca donnant sur le boulevard Mohamed V porte toujours le nom du fondateur de la compagnie, Nicolas Paquet.

Les paquebots les plus connus de la Compagnie Paquet qui ont desservi Casablanca au cours de la première partie du 20ème siècle sont : « Anfa » à bord duquel le maréchal Lyautey a définitivement quitté le Maroc le 10 Octobre 1925 et « Koutoubia » (1930-1967) ainsi que ses sister-ships « Djenne » et « Lyautey ».

L’autre armateur est la Compagnie Générale Transatlantique, plus connue sous le nom de « Transat », qui a été fondée en 1855 par les frères Pereire. La Transat a commencé à desservir Casablanca au départ de Bordeaux et de Marseille dés le début du XXème siècle.

Cette compagnie a acquis une grande renommée sur les liaisons transatlantiques grâce à des paquebots prestigieux comme « Normandie » construit en 1935 et affecté à la ligne Le Havre – New York. 

Les paquebots les plus connus de la Transat affectés à la desserte de Casablanca étaient : « Marrakech » (1914-1956), « Meknes », « Volubilis » et « Maroc ».

Les paquebots de ligne qui desservaient Casablanca avaient une longueur comprise entre 120 et 140 m, voire plus, une largeur de 20 m, une vitesse de 20 nœuds et une capacité de 500 à 1.200 passagers environ répartie en 4 ou 5 classes.

D’autres armateurs desservaient Casablanca par paquebots à partir de Marseille, notamment la Compagnie de Navigation Mixte avec « El Mansour ».

Le port de Casablanca était aussi desservi par des paquebots mixtes qui grâce à la possibilité de transport de fret compensaient le manque de passagers pendant la saison d’hiver. Les passagers recevaient généralement un meilleur traitement sur les paquebots mixtes que sur les paquebots classiques.

Passagers et touristes.

Les passagers qui empruntaient les paquebots étaient essentiellement :

   * Les fonctionnaires du Protectorat qui bénéficiaient d’un voyage gratuit tous les 2 ans pour     eux et leur famille, les militaires, les colons et les commerçants ainsi que les fonctionnaires du Gouvernement Chérifien, les hommes politiques français et les artistes en tournée.

  * Les touristes qui ont commencé à venir au Maroc dés les années 1920 attirés par les circuits touristiques conçus par les compagnies de navigation. En effet, pour attirer plus de passagers celles-ci ont établi dès les années 1920 des circuits touristiques passant par les villes impériales. 

C’est dans ce cadre que la Transat avait construit les hôtels « Transatlantique » de Casablanca (1922) et de Meknès (1927). Ces deux hôtels sont toujours en activité. 

La Compagnie Paquet avait quant à elle construit les hôtels « Marhaba » dont celui de Casablanca au pied duquel se trouvait la représentation de la compagnie et ceux de El Jadida, Safi et Agadir.

Tous les passagers n’avaient pas droit à une cabine. Les passagers de 4ème et 5ème classe voyageaient généralement dans des dortoirs aménagés dans l’entrepont et ne pouvaient accéder aux ponts pour prendre de l’air qu’à des moments déterminés de la journée. L’accès aux salons, restaurants et ponts supérieurs était réservé aux passagers des 1ère et 2ème classes. 

Les salons n’étaient pas aussi prestigieux que ceux de « Normandie », conçus dans le style Arts Déco, mais offraient néanmoins un confort convenable.

L’avion s’impose. 

Sur la ligne Marseille – Casablanca la Compagnie Paquet assurait en 1926 un départ tous les 7 jours en été et un départ tous les 10 jours en hiver. 

La durée de la traversée sur la ligne Bordeaux – Casablanca était de 53 Heures et sur la ligne Marseille – Casablanca de 48 heures. On avait bien sûr plus de chance de rencontrer du beau temps sur cette dernière ligne.

Les 2 jours et 2 nuits de traversée laissaient aux passagers du temps pour les distractions organisées par le Commissaire de Bord et pour des repas copieux  qui étaient l’une des principales attractions du voyage. 

En 1926, un billet de passage aller-retour en 1ère classe coutait 1.490 francs soit l’équivalent de 10.300,00 Dirhams d’aujourd’hui et un billet de 3ème classe coûtait 702 francs soit l’équivalent de 4.800,00 Dirhams.

La concurrence de l’aviation commerciale a eu raison des paquebots de ligne à la fin des années 1960. Les paquebots desservant les lignes Casablanca-Marseille et Casablanca-Bordeaux n’arrivaient plus à attirer les passagers de plus en plus séduits par la rapidité de l’avion. Les 3 heures de vol ont définitivement triomphé des 48 heures de traversée maritime. 

Les paquebots sont devenus navires de croisière mais continuent à vendre le rêve attaché au luxe des grands paquebots de l’âge d’or. 

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