Dommages portuaires et limitation de la responsabilité du transporteur maritime en droit Marocain

Sécurité Maritime
Typography

Faute de ratification de la convention internationale sur la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires de mer conclue à Bruxelles le 10 octobre 1957 par le Maroc, la limitation de responsabilité du transporteur maritime est généralement gouvernée en droit Marocain par les règles convention d’Hambourg et le code de commerce maritime Marocain.

 

Contrairement à l’article 6 de la convention de Hambourg 1978 limitant la responsabilité du transporteur maritime à 835 unités de compte par colis ou autre unité de chargement ou à 2,5 unités de compte par kilogramme de poids brut des marchandises perdues ou endommagées , l’article 124 du dahir du 28 Joumada II 1337 (31 mars 1919) portant Code de Commerce Maritime ( DCCM) quant à lui, s’étend aux dommages portuaires aussi

Un peu ambiguë, l’article 124 DCCM a toujours été sujette d’interprétations diverses et controversées, et ce, même au niveau de la cour de cassation. En effet, ledit article a été interprété dans un premier temps en faveur du transporteur maritime faisant bénéficier ce dernier de la limitation de responsabilité pour les dommages causés aux infrastructures portuaires avant de connaitre un revirement en faveur de l’autorité portuaire et sociétés de manutention.

Relativement à la tendance jurisprudentielle, induits en erreur par une mauvaise traduction de l’article 124 DCCM en Arabe depuis le Français, certains juges limitent le bénéfice de la limitation de responsabilité du capitaine aux ‘’obligations résultant des actes et contrats conclus par le capitaine dans l'exercice de ses pouvoirs légaux’’ uniquement et excluent les ‘’ faits et fautes du capitaine, de l'équipage, du pilote et de toute autre personne travaillant sur le navire’’.

En effet, à l’inverse de la version Française ou les deux phrases susmentionnées de l’article 124 DCCM sont séparées par une virgule (,), dans sa version Arabe, lesdites phrases sont séparées par un point (.) gardant à l’esprit que le dahir formant code de commerce maritime a été élaboré en langue Française en 1919.

Version Arabe de l’article 124 DCCM 

texte arabe article 124.png

   Version Française de l’article 124 DCCM ;

’Le propriétaire du navire est responsable personnellement, mais seulement jusqu’à concurrence de la valeur du navire et ses accessoires, ci-après déterminés, et, au maximum, à raison de 13800 francs par tonneau de jauge, des obligations dérivant des actes accomplis et des contrats conclus par le capitaine dans l’expertise de ses pouvoirs légaux (,) ainsi que des faits et fautes du capitaine, de l’équipage, du pilote, et de toute autre personne au service du navire’’.

En complément de l’ambiguïté liée à la traduction de l’article 124 DCCM et due à une confusion entre les dommages aux infrastructures portuaires et l’abordage régie par l’article 292 et suivants du Commerce Maritime Marocain, certains juges excluent l’application de la limitation de responsabilité prévue par l’article 124 DCCM pour les dommages pour la simple raison que les articles 292 et suivants du code de commerce maritime ne prévoient aucune limitation de responsabilité.

Eu égard à la continuité des interprétations controversées, par décision récente rendue le 09/01/2020 affaire n° : 2018/1/3/996, la cour de cassation a confirmé le bénéfice du transporteur maritime de la limitation de responsabilité prévue dans l’article 124 du DCCM lorsqu’il causerait un dommage aux installations et infrastructures portuaires.

Nous sommes d’avis, que la limitation de responsabilité prévue par l’article 124 DCCM profite bel et bien au transporteur maritime lorsqu’il cause un dommage aux infrastructures et installations portuaires sur base de l’article 32 du Dahir N°: 1-59-043 daté 12 KAADA 1380 ( 28 April 1961) relatif à ‘’ LA Police Des Ports Maritimes De Commerce’’ qui renvoi à l’article 124 DCCM de façon claire et non ambiguë en matière de limitation de responsabilité du transporteur maritime comme suit ;

‘’ Les propriétaires des navires sont responsables des amendes, dommages et intérêts, frais et réparations prononcées en vertu du présent dahir contre les capitaines, maîtres ou patrons préposés par eux à la conduite de leurs navires, dans la limite fixée par l’article 124 de l’annexe 1 du dahir du 28 Joumada II 1337 ( 31 Mars 1919) formant code de commerce maritime’’.

Issam ENNASSIRI

P&I Club correspondent.

Conseiller en droit maritime.

Arbitre international en droit maritime.