«L’open sea a fait des dégâts»:El Mostafa Fakhir, Secrétaire permanent du Comité Central des Armateurs Marocains (CCAM)

Marine Marchande
Typography

altDans un entretien accordé au Journal Les Echos Quotidien et paru dans l'édition du lundi 27 août 2012, le Secrétaire Permanent du CCAM revient sur la situation du Secteur du transport maritime national et la Stratégie à mettre en œuvre.

Les Échos quotidien : Quel état des lieux faites-vous du secteur du transport maritime aujourd'hui?

El Mostafa Fakhir : La réalité des chiffres parle d'elle même, la flotte nationale ne compte plus que 12 navires sous pavillon marocain encore en activité, pour un tonnage de moins de 100.000 T et un taux de couverture de 6,6% de nos échanges avec l’extérieur, alors que dans les années quatre vingt, celle-ci comptait plus de 66 navires pour une capacité de chargement de 660.000 T et un taux de couverture de 25% de nos échanges.

Pour le transport de passagers, la flotte nationale, qui opérait avec 15 navires en 2011 et réalisait 50% du trafic, ne réalise plus que 10% du trafic avec 3 navires sous pavillon marocain actuellement.

Le chiffre d'affaires de l'armement national s'est contracté à moins de 2,2 MMDH en 2011, alors qu'il réalisait plus de 4 MMDH en 2008.

À votre avis, quelles sont les priorités à aborder pour solutionner les principaux dysfonctionnements?

Aujourd'hui, la priorité est de soutenir l'activité des armateurs marocains, qui se battent encore pour sauver les emplois et les investissements qui ont été réalisés durant des années dans le secteur. La problématique de la compétitivité du pavillon marocain que cela soit dans le maritime, l'aérien ou le routier est la même.

Le précédent gouvernement avait sous l'impulsion de Sa Majesté  Roi initié un contrat-programme multiforme avec la RAM, pour lui permettre de faire face à la concurrence étrangère et lui permettre d'évoluer dans un environnement fiscal et règlementaire plus compétitif. Je crois que la même démarche qui a fait ses preuves aujourd'hui devrait être adoptée pour le secteur maritime.

Le ministre des Transports vient d'annoncer le lancement d'un appel d'offres pour la réalisation d'une étude de stratégie dédiée au transport maritime. Que pensez-vous de cette initiative ? Parviendra-t-elle à régler les problèmes qui sévissent dans le secteur?

Le Comité Central des Armateurs Marocains (CCAM), avait au début de la crise du secteur en 2009 formulé plusieurs propositions au précédent gouvernement pour atténuer les effets de la conjoncture économique défavorable et l'explosion du prix du pétrole sur l'activité, à l'instar des politiques publiques de pays tels que la France, l’Allemagne et d'autres pays du monde, qui avaient mis en place des mesures pour soutenir leurs armements. Malheureusement, rien n'a été fait.

Aujourd'hui tout le monde s'accorde à dire qu'il faut d'abord faire l'inventaire de l'étude de Drewry, qui avait été réalisée en 2005 par le ministère de l'Équipement et du transport et conduit à la politique de l'open sea, qui a apporté beaucoup plus de dégâts que de solutions. La qualité des consultants et de leurs livrables n'étaient pas souvent conformes avec la réalité décrite par les professionnels du secteur.

En parallèle, des mesures de soutien à court terme doivent être entreprises et affichées clairement, notamment à travers la prochaine loi de finances. Si aucun accompagnement n’est assuré, nous n'aurons plus d'opérateurs pour mettre en place cette nouvelle stratégie.

Le Maroc a mis 60 ans pour créer une véritable industrie maritime nationale. Je ne crois pas que dans le monde actuel, on puisse encore disposer du même temps pour rebâtir celle-ci.