Scandale des surestaries conteneurs : comment les armateurs étrangers et leurs agents se sucrent sur le dos de nos réserves de change

Marine Marchande
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C’est une véritable bombe, que les Freight Forwarders ont fait exploser hier devant une assistance, qui a fait salle comble. Le thème de la conférence, qui n’a pas été choisi par hasard, mais minutieusement préparé par un groupe de travail de l’Association des Freight Forwarders du Maroc (AFFM) et l’Association Marocaine du Droit Maritime et Aérien (AMDMA) a jeté un nouveau pavé dans la marre du secteur du transport maritime national qui navigue déjà en eaux troubles.

Ainsi, plusieurs experts nationaux et internationaux du droit maritime et des professionnels du secteur, se sont relayés pendant toute la journée, pour décortiquer par les textes et les chiffres, les tenants et aboutissants d’un nouveau buisness qui a fleurit au Maroc depuis quelques années et qui est entrain de saigner les réserves de devises du Royaume.

Ce qu’on appelle dans le jargon des professionnels « surestaries conteneurs », mais dont la Pr Mme REMOND-GOUILLOUD a tenu a rectifié la terminologie à savoir  « les frais d’immobilisation du conteneur » ont connu ces dernières années une explosion de leur recette, à tel point que les armateurs et leurs agents préfèrent positionner leurs conteneurs chez leurs clients (à terre) au lieu de le positionner sur un navire (en mer) car celui-ci rapporte beaucoup plus dans le premier cas.

Les surestaries conteneurs, ne sont en réalité que des pénalités que font payer les armateurs à leurs clients, sur tout retard de restitution d’un conteneur après achèvement de l’opération de transport maritime. 

Le conteneur ne devant normalement séjourner chez l’importateur ou son utilisateur, que le temps nécessaire au transfert de la marchandise à l’entrepôt et son dépotage. Mais fait grave, certaines sociétés utilisent le conteneur comme lieu de stockage chez eux en attendant la vente de leur marchandise.

Les surestaries conteneurs, qui étaient insignifiants au départ, ont vu leurs montants augmenté ces dernières années. Les autorités portuaires voulant régler le problème du congestionnement du port de Casablanca causé par le nombre élevé de conteneurs non enlevés à temps par leurs réceptionnaires, ont augmentation les tarifs de stockage et magasinage des conteneurs, pour dissuader les importateurs d’utiliser les terminaux portuaires comme lieu de stockage de leur conteneur.

Suivant la même logique que les autorités portuaires, les armateurs et leurs agents ont également décidé d’augmenter leurs tarifs de surestaries conteneurs et cela pour dissuader la pratique d’utiliser le conteneur comme dépôt de stockage à l’extérieur du port. 

Mais la ou l’histoire est pervertit, c’est au moment ou les surestaries conteneurs sont devenus un complément de revenus important pour les armateurs et leurs agents. Avec les facilitations dans la réglementation de changes introduites par le Royaume avec la suppression du contrôle préalable, ainsi que l’autorisation du transfert des surestaries conteneurs sans aucun plafond, la donne a changé.

 Les armateurs ont pu d’année en année augmenté les tarifs des surestaries sans aucune logique. De moins de 100 DHS par jour il y a cinq ou six ans, on est passé à au moins 100 US$ par jour aujourd’hui. Ce montant pouvant atteindre plus 350 US$ par jour dans certains cas pour un conteneur 20 pieds. Le délai de franchise (période d’exonération des pénalités de retard), à lui aussi été revu à la baisse, pour commencer à compter le délai des surestaries plus rapidement.

Le drame aujourd’hui, c’est que cette pratique a été généralisée à l’ensemble des armateurs étrangers opérant au Maroc. Normalement, certains d’entre eux, devaient faire jouer le fait qu’ils appliquent des surestaries moindre que leurs concurrents pour attirer les clients.

Mais, ils sembleraient bien que nous soyons faces à un cas flagrant d’entente sur les prix et les pratiques au niveau des surestaries conteneurs. L’absence totale au Maroc d’une autorité de régulation ou de la concurrence qui puisse réglementer tout cela ou à défaut le plafonner a encouragé la pratique.

Ainsi, la Direction de la Marine Marchande, dont un staff important a été présent durant la conférence, n’est pas pourvue des prorogatives légales pour agir, la politique de l’open sea n’ayant prévue aucun garde fou à l’hégémonie des armateurs étrangers.

L’ANP autorité de régulation pleinement investit par la loi, n’a pas quant à elle, la compétence d’après la loi  15-02 pour régir des activités exercées en dehors du port. Le conseil de la concurrence, dont plusieurs participants à la conférence, ont appelé à son intervention ne dispose pas encore du pouvoir d’auto-saisine ou de sanctions et ne peut rien face à ce fléau.

Seule réaction qu’on peut noter à ce jour, reste celle de l’Office des changes, présent en force d’ailleurs lors de la conférence, qui a réinstauré depuis fin 2012 l’accord préalable de l’office à toutes opérations de transfert de devises au titre des surestaries conteneurs.

Mais malgré cette mesure, à en croire les professionnels le mal reste entier. Le séjour prolongé d’un  conteneur dans l’enceinte portuaire n’est pas seulement du fait, du retard de son enlèvement, mais également du fait de certaines procédures.

Ainsi, plusieurs exemples ont été cités, mais dont le plus fréquent est celui des importateurs qui effectuent des opérations d’importation, et lorsque le conteneur arrive au port, ils sont incapables de régler les droits et taxes afférents à la douane car ils les ont mal estimés.

 Le plus souvent ces derniers, préfèrent abandonner leur marchandise, lorsqu’ils se trouvent face à des montants importants à payer à la douane. Celle-ci, de son côté doit attendre, selon la législation en vigueur, un délai de 45 jours pour pouvoir déclarer le conteneur en souffrance et pouvoir le vendre aux enchères.

Plus grave encore, lorsque la marchandise est réputée impropre à la consommation et qu’elle doit être détruite, et que son propriétaire l’abandonne au port, se pose le problème de la partie qui doit régler les frais de destruction de celle-ci et son stockage entretemps. Le délai de séjour du conteneur au port dans ce cas, peut se prolonger pour atteindre des mois voir des années. Le conteneur devient ainsi otage du système et de la marchandise qu’il contient.

Entretemps le compteur des surestaries lui ne s’arrête pas. Et ce sont les Freight Forwarders qui en sont les principales victimes. L’armateur, se retournent toujours contre eux pour récupérer son conteneur et les surestaries. D’après le contrat du transport maritime généralement établit, c’est le commissionnaire du transport qui est le client de l’armateur et non pas le réceptionnaire final.  D’où leur cri de désespoir durant la conférence. Le rapport de force qui n’est pas en leur faveur face aux armateurs étrangers, ils appellent à légiférer sur le sujet pour fixer les droits et obligations de chacun.

En attendant, ils ont fait l’essentiel, alerter l’ensemble des décideurs pour trouver rapidement une solution pour stopper cette hémorragie.