Persuadé que le secteur maritime marocain traverse une période visiblement difficile, M. Abdelaziz Mantrach président de l’APRAM, qui vient d’être choisit comme nouveau président de la FONASBA, met le point dans cet entretien accordé à MaritimeNews sur les facteurs de cette crise.
Nous retiendrons, entre autres, l’inadéquation de l’offre à la demande traduite par une surcapacité de la flotte, conjuguée à une libre concurrence pénalisant les prix et faisant perdre éventuellement des emplois. M. Mantrach préconise, dans ce sens, une régulation des autorisations.
Concernant ses actions au sein de la FONASBA, il est manifestement déterminé à concentrer ses actions sur l’Afrique et le Moyen Orient.
Vous venez d’être élu en tant que président de la FONASBA, que pouvez-vous nous dire sur ce choix par vos paires, quelles sont les missions que vous aurez à exercer ainsi que celles de votre organisation ?
Tout d’abord, je tiens à souligner que j’ai été élu Président désigné de cette Fédération qui est une Fédération mondiale parmi les plus puissantes dans le domaine maritime.
Son rôle n’est pas un rôle commercial, c’est une Fédération à but non lucratif et son rôle c’est d’anticiper, envisager et encadrer tout ce qui concerne les textes de loi, les projets de réglementations et de procédures qui concernent directement et indirectement le transport maritime et la profession bien entendu d’agents maritimes et de courtiers d’affrètements.
En plus, son rôle est d’essayer de développer la profession, de la défendre et la tirer vers le haut en essayant d’instaurer une plus grande professionnalisation de notre activité notamment à travers la formation. Mais, surtout nous encourageons à la mise en place de standards de qualité, pour offrir à tous les usagers du monde de transport maritime des prestations de qualité de nature à remplacer les opérations de dumping qui sont actuellement monnaies courantes sur le marché.
Est-ce que vous avez déjà arrêté une feuille de route pour votre mandat à la tête de cette importante fédération ?
Avant d’être élu Président désigné à cette fédération, j’ai occupé à ce jour la responsabilité de vice président chargé de l’Afrique et du Moyen Orient, et ce n’est pas un hasard.
Justement, cette région a eu de meilleures performances et le plus grand développement. Personnellement, je me suis focalisé sur l’Afrique parce que c’est une stratégie marocaine nationale. Et sur les pays arabes du Moyen Orient parce qu’il faut essayer d’arrimer cette région au concert des grandes nations, et ce, pour le progrès des transports maritimes et de la profession d’une manière générale dans cette région.
Donc, pour moi, je vais continuer sur cette voie pour rehausser le niveau et la qualité ainsi que la formation dans la région de l’Afrique et du Moyen Orient et je vais bien entendu essayer de pérenniser des relations combien très fortes que cette Fédération FONASBA a avec des institutions et organisations importantes maritimes telles que l’OMI, la CNUCED, la communauté européenne, l’Organisation Mondiale des Douanes, l’organisation d’associations des transporteurs de pétrole, etc. Je vais faire en sorte de renforcer le partenariat avec eux en vue d’aller de l’avant et de trouver des solutions à tous les problèmes qui se posent au transport maritime.
Quelle opinion pouvez-vous donner sur le cadre juridique qui encadre l’activité des agents maritimes et des courtiers d’affrètement au Maroc ?
Aujourd’hui, le métier de l’agent maritime est régi par des autorisations qui sont données par le Ministère de tutelle aux agents maritimes sous forme de cahier de charges qui détermine les droits et les obligations des agents maritimes.
Ce que nous souhaitons au sein de notre association, APRAM, qui est l’Association Professionnelle des Agents maritimes, consignataires de navires et courtiers d’affrètement, c’est que nous puissions réguler ces autorisations en fonction de l’offre et la demande.
Cela veut dire qu’on ne délivre pas des autorisations comme des petits pains, arroser le marché et tous les ports marocains avec des autorisations au point de détruire les emplois existants et des entreprises qui ont donné leurs preuves.
Il faut préserver les entreprises existantes, il faut maintenir une libre concurrence dans le secteur des agences maritimes mais il ne faut pas non plus délivrer trop d’autorisations et nuire à la pérennisation des entreprises existantes et leurs emplois, ça c’est une première chose.
Deuxième chose, nous avons toujours sollicité depuis des années notamment avec le ministre de tutelle, de créer un comité de régulation qui peut réguler l’offre et la demande et nous avons souhaité que notre association puisse participer dans ce comité pour veiller à la bonne marche de cette régulation tellement souhaitée par la profession.
Vous venez d’être reconduit également à la tête de l’Association des Agents Maritimes, Consignataires de navires et courtiers d’affrètement au Maroc (APRAM), comment vous appréciez le comportement du secteur maritime au Maroc aujourd’hui ?
Je pense que l’APRAM a fait ses preuves et a démontré que c’est une des associations du secteur les plus dynamiques. Elle est citoyenne, elle cherche toujours à améliorer les conditions du travail et les procédures.
Avec ses partenaires publics ou privés, elle a toujours suggéré des solutions qui sont de nature à améliorer la fluidité portuaire, la facilitation des procédures ainsi que la dématérialisation des documents.
Notre association va continuer dans ce sens parce que nous tenons absolument à rehausser le niveau de nos prestations portuaires au niveau de la qualité des services et ce pour le bien-être de notre commerce extérieur.
Et c’est pourquoi l’APRAM, est l’une des rares associations professionnelles à avoir introduit l’éducation et la formation ainsi que l’excellence à travers la certification qualité que ce soit la certification ISO ou que ce soient les standards qualité FONASBA, qui est une certification qualité spécialement faite et conçue sur mesure pour l’agent maritime et le courtier d’affrètement.
Donc, de ce côté-là, nous sommes sur la bonne voie et nous espérons continuer. C’est pour cela que l’APRAM est une association qui a toujours répondu présente et est devenue un partenaire incontournable de la chaîne logistique portuaire.
Il s’avère que le secteur du transport maritime traverse une crise sans précédent au niveau mondial avec notamment une grande vague de restructurations, croyez-vous que le pire est derrière vous ?
Non, je ne crois pas du tout que le pire est derrière nous. Cette année a connu les plus grands chamboulements dans le secteur maritime et ceci est dû essentiellement à deux choses essentielles.
D’abord, la surcapacité de la flotte de la marine marchande : il y a plus de bateaux et de capacités que de besoins en flux et volumes de marchandises. Par conséquent, les taux de fret sont trop bas et la majorité des armateurs transporteurs maritimes perdent de l’argent, et c’est pourquoi il y a eu plusieurs faillites cette année 2016, beaucoup de compagnies maritimes et pas des moindres sont en difficulté financière.
Et ce n’est pas les dernières, il y aura certainement d’autres et c’est pourquoi toute la chaîne logistique maritime aujourd’hui à cause de cette situation est en difficulté, que ce soient les transporteurs maritimes, les logisticiens internationaux, certains Mega Freight forwarders, ou des agents maritimes.
Donc celui qui appartient à cette chaîne et qui prétend gagner de l’argent aujourd’hui, soit qu’il jouit de privilèges spécifiques soit qu’il jouit de monopole. Le monde maritime à cause des situations que j’ai décrites est en crise. C’est pourquoi cette situation a poussé les armateurs à se regrouper. Les regroupements ont eu lieu d’abord en forme d’alliances, ces alliances se sont opérées entre les méga transporteurs pour optimiser leur flotte et mieux assurer leur desserte maritime.
Deuxièmement, il y a eu des fusions entre différentes compagnies maritimes, par exemple nous avons vu en Chine (parce que c’est le pays le plus important en termes de flux de marchandises transportées), vous avez une sorte de fusion COSCO et CHINA SHIPPING, nous avons connu d’autres fusions et récemment encore tous les armements japonais sous les instructions de leur gouvernement sont entrain de fusionner pour former des blocs solides.
Alors forcément, les plus vulnérables, les plus petits risquent de disparaître parce qu’ils vont avoir à concurrencer des géants tels que les alliances ou les armements qui se sont regroupés. L’avenir, notamment 2017 nous réserve encore des surprises en ce sens à moins qu’il y ait un miracle et que les taux du fret du marché augmentent pour que les armateurs se mettent à gagner de l’argent. Mais ça m’étonnerait parce que nous avons malheureusement sur le marché toujours une surcapacité de navires par rapport au volume existant.
Propos recueillis par AOUKACHA Safaa