Importations. Le coût du transport maritime en provenance de Chine explose

Marine Marchande
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De 1 000 dollars avant la pandémie, le coût d'expédition d'un conteneur depuis la Chine est passé à 8 500 dollars. Les importateurs marocains de produits chinois ainsi que les industriels en souffrent et mettent en garde contre les risques de pénurie et d'augmentation des prix de certains produits.

C'est un phénomène sans précédent dans l'histoire du fret maritime, rapporte la presse économique mondiale. Le coût du transport maritime à partir des ports chinois, en particulier de Shanghai, est monté en flèche au cours des trois derniers mois.

En France, les opérateurs économiques rapportent que les prix sont passés de 3 000 ou 4 000 dollars il y a encore trois mois à plus de 10 000 dollars aujourd'hui. Même phénomène au Maroc, où le coût du transport d'un conteneur est passé de 1 000 dollars avant la crise Covid à 8 500 dollars aujourd'hui, selon Abdelaziz Mantrach, président de l'Association professionnelle des agents maritimes et des courtiers d'affrètement du Maroc (APRAM).

Pénurie de conteneurs en Chine et explosion de la demande mondiale

"C'est un phénomène mondial qui touche non seulement le Maroc, mais aussi tous les pays qui importent de Chine, en premier lieu les États-Unis et l'Europe.

Mais l'impact sur le Maroc est moindre qu'en Europe ou aux États-Unis, qui sont très dépendants du commerce avec la Chine. Au Maroc, plus des deux tiers de notre commerce se fait avec l'Europe, où cette explosion des prix n'a pas eu lieu", souligne-t-il.

Ce phénomène de flambée des prix du fret maritime ne concerne que les produits en provenance de Chine La raison en est simple selon M. mantrach : la pénurie de conteneurs. "Avant la crise Covid, lorsqu'un armateur envoyait son navire à destination, le conteneur restait une semaine pour être déchargé et retournait à son port de départ pour un nouveau chargement.

A cause du Covid, des confinements et des politiques trop restrictives en Europe et aux Etats-Unis, le même conteneur, au lieu de rester une semaine, est bloqué pendant plusieurs mois. Cela a naturellement conduit à une pénurie de conteneurs dans les ports chinois*, explique le président de l'APRAM.

Et cette pénurie a coïncidé avec l'explosion de la demande européenne et américaine due à la reprise économique sur ces continents... ce qui a encore gonflé les prix du transport. Selon M. Mantrach, les armateurs du monde entier, une dizaine qui contrôlent 90% du flux mondial, ont tenté de remédier à la situation en commandant de nouveaux conteneurs. Mais les fabricants chinois ont profité de la situation pour multiplier par cinq leurs prix de production. Cela n'a pas arrangé la situation.

Dans la presse mondiale, d'autres facteurs sont mentionnés en plus de la pénurie de conteneurs. Le quotidien français Les Echos mentionne, entre autres, le rebond de l'activité économique mondiale et la forte explosion de la demande de fret maritime, après une baisse de 7% du volume des conteneurs dans le monde en 2020.

"La CIAA-CGM a vu ses transports augmenter de 18%, ce qui est sans précédent. L'armateur a également annoncé une augmentation de sa capacité entre l'Europe et l'Asie, souligne le document de travail. Un autre facteur est la gestion des stocks par les entreprises du monde entier, qui commencent à reconstituer leurs stocks de sécurité, qui ont disparu lors du premier confinement. Cela a contribué à cette fièvre sur les prix du fret.

Les économistes et analystes internationaux cités par l'AFP parlent également de l'effet du changement des habitudes de consommation provoqué par la pandémie, en Europe comme aux Etats-Unis.

"Sans voyages, sans concerts ni dîners en ville, les Européens et les Nord-Américains dépensent leur argent en biens de consommation, dont beaucoup sont importés d'Asie", a déclaré à l'AFP l'économiste et historien Marc Levinson. En outre, "la capacité de fret aérien a chuté de façon spectaculaire, obligeant certaines marchandises à voyager par mer", explique Joanna Konings, analyste chez ING. Cela *ajoute à la pression sur la capacité de fret maritime et conduit à des prix plus élevés et même à des pénuries", poursuit-elle.

L'impact sur les importateurs et les industriels marocains

Si l'Europe et les États-Unis sont les plus touchés par cette explosion des prix des transports en provenance de Chine, le Maroc n'échappe pas non plus à cet effet.

Le pays n'est certes pas très dépendant de la Chine, mais de nombreux commerçants, grossistes et aussi industriels marocains sont aujourd'hui touchés par ce phénomène. Les premiers à être touchés sont les grossistes de Derb Omar, explique un commerçant.

"Il y a quelques commerçants de Derb Omar qui importent presque toutes leurs marchandises de Chine. Des choses basiques, mais ce sont tous des biens de consommation. Avec la flambée des prix depuis octobre, certains ont cessé d'importer, ce qui a créé des pénuries sur certains produits ; dit notre source.

Mais Mantrach tente de mettre en perspective ces effets sur le commerce de gros, en expliquant qu'il ne s'agit pas de produits de première nécessité et que l'impact ne sera pas global sur l'économie du pays.

En revanche, c'est dans le secteur industriel que cette hausse des prix du fret peut faire du mal. Comme le secteur textile, qui dépend dans ses intrants de produits et de matériaux importés principalement de Chine.

"Toutes les industries sont concernées, il faut le dire, car dans toutes les composantes, il y a une part de produits chinois, même si vous importez vos intrants d'Europe.

Mais l'industrie textile est directement exposée, car cette industrie importe beaucoup de matières premières et de produits semi-finis de Chine", explique Karim Tani, un industriel du textile et propriétaire de la marque de prêt-à-porter Marwa.

Tissus, accessoires, boutons, fils, doublures, produits de teinture..., les textiles marocains ne peuvent pas fonctionner sans ces matières ou produits en provenance de Chine. "En raison du manque de conteneurs, les prix ont flambé, mais aussi les délais de livraison sont devenus trop longs. Cela perturbe doublement l'activité, avec un risque de casse des matériaux et un surcoût pour l'industriel qui ne peut pas répercuter cette hausse des prix du transport sur le consommateur", explique M. Tazi.

I "La logique serait d'impacter l'augmentation des coûts sur le prix final du produit. Mais cette logique ne tient pas dans le secteur du textile, où il y a une offre excédentaire avec tous les produits qui inondent le marché.

Et lorsqu'il y a une surproduction, les prix ne sont pas fixés par le producteur, mais par le marché. Nous ne pouvons donc pas augmenter nos prix. Beaucoup d'industriels perdent de l'argent en ces temps...", ajoute-t-il.

Retour à la normale d'ici la fin du mois de mars ? Selon lui, ce problème de prix du fret ajoute de nouveaux facteurs d'incertitude au manque de visibilité actuel.

Avec une demande encore faible au Maroc et à l'exportation, ainsi que le manque de visibilité sur l'avenir, ce phénomène amplifie les incertitudes puisque nous ne pouvons plus planifier l'achat de nos intrants, notre rythme de production, notre logistique....', explique l'ancien président de l'AMITH.

Sur les réseaux sociaux, les inquiétudes concernant la pénurie de certains produits ou les éventuelles hausses de prix commencent déjà à se faire sentir. Notamment à propos du thé, un produit de consommation que le Maroc importe exclusivement de Chine.

Mais Abdelaziz Mantrach tente de rassurer : "C'est un phénomène temporaire lié aux déséquilibres créés par la pandémie. Selon les informations du marché, la situation reviendra à la normale d'ici la fin du mois de mars.

Avec les campagnes de vaccination menées dans le monde entier, les conteneurs actuellement bloqués seront bientôt libérés pour retourner en Chine. Cela permettra de rétablir un certain équilibre sur le marché et de faire baisser les prix, dit-il.

La même opinion a été reprise dans la presse spécialisée mondiale, plusieurs experts parlant d'une épidémie de fièvre qui sera de courte durée ; en raison des campagnes de vaccination et de la levée espérée des mesures de confinement qui permettront aux modes de consommation de revenir à la normale.