Un Commandant de port à Rabat en 1887

Cdt. Abdelfattah Bouzoubaa

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L’ouverture progressive à partir du 18ème siècle de ports marocains au commerce extérieur, a encouragé les agents consulaires des puissances européennes avec lesquelles le Maroc commerçait à faire valoir au Makhzen que l’amélioration de la qualité des services rendus par les ports marocains aux armateurs et aux marchands profiterait aussi au Trésor chérifien.

S’agissant de Rabat par exemple, ils avançaient que si ce port situé sur l’embouchure de l’oued Bou Regreg, et qui accueillait des navires français, anglais, espagnols et autres rapportait si peu au Trésor chérifien, c’était non seulement à cause de la barre qui maintenait les navires au large, mais également à cause du fonctionnement défectueux des services du port. En effet, le chargement et le déchargement des navires sur rade se faisaient à l’aide de grandes barcasses dont le nombre était insuffisant et la disponibilité aléatoire.

Cette situation avait pour conséquence la prolongation de la durée des escales des navires et augmentait indûment les charges des armateurs qui ne manquaient pas de s’en plaindre auprès des Consuls de leurs nations. Ceux-ci transmettaient ces réclamations au Sultan et sollicitaient son appui pour améliorer la situation.

Ainsi, Moulay Hassan 1er invita plusieurs fois l’Amine des douanes et le Raïs (Capitaine du port) de Rabat à augmenter le nombre de barcasses disponibles. En 1890, il ordonna même d’avoir constamment huit barcasses en état de navigabilité. Toutefois, ces ordres se heurtaient à l’inertie des fonctionnaires et les agents consulaires devaient multiplier les démarches pour faire exécuter les instructions du Sultan.De nouvelles barcasses ont bien été construites, mais il n’y en avait jamais que trois en état de navigabilité en même temps, faute d’entretien du reste des barcasses.

Le développement du commerce extérieur marocain qui à l’époque déjà était aux deux-tiers à l’import et pour un tiers à l’export, et l’amélioration des recettes du Trésor, nécessitaient non seulement des équipements mais également la diligence des fonctionnaires des ports. Or sur ce plan aussi, les remontrances régulièrement adressées par le Grand Vizir aux fonctionnaires du port de Rabat, laissent penser qu’ils ne faisaient pas preuve de beaucoup de zèle dans l’accomplissement de leurs tâches.

J.Caillé rapporte que : « les Oumana des douanes montraient cependant de la bonne volonté, mais ils n’avaient en fait aucun pouvoir sur le Capitaine du port et son khalifa de qui venait tout le mal. Ceux-ci étaient parfois du reste singulièrement choisis. En 1887 on nomme Raïs du port de Rabat un homme qui n’avait jamais navigué et qui exerçait le métier de cordonnier. Son incapacité n’avait d’égale que son arrogance et sa grossièreté....Ce marin improvisé avait d’ailleurs une façon toute particulière de remplir ses obligations. Un matin de Juin 1891, alors que le vapeur « Moselle » de la Compagnie Paquet était arrivé en rade, il quitta la ville avec tous ses matelots pour une partie de campagne aux environs. »

Après des démarches auprès des Oumana des douanes et du Caid de la ville, l’agent consulaire français obtint que le Raïs et quelques uns de ses matelots reviennent au port. « Ceux-ci armèrent une barcasse mais ne firent qu’un seul voyage à la « Moselle », puis furieux d’avoir été dérangés, ils retournèrent aussitôt à leurs plaisirs, sans tenir compte des protestations du représentant de la compagnie... ».

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