Transport & logistique: La stratégie accuse un sérieux retard

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DEUX ans se seront écoulés en avril prochain depuis la signature de la stratégie logistique 2010-2015. Gouvernement et patronat s’étaient engagés devant le Souverain à finaliser l’ensemble des composantes de la stratégie au plus tard en avril 2011.

Et parmi les engagements de la feuille de route, la signature des contrats d’application, la mise en place de l’Agence marocaine pour le développement de la logistique (AMDL), l’Observatoire de la compétitivité de la logistique… Or, à l’exception de la feuille de route de la zone multiflux du Grand Casablanca et du contrat d’application du transport, rien ou presque n’a été fait jusqu’à présent. En fait, tout repose sur l’entrée en service de l’AMDL. Ce qui passe d’abord par la désignation d’un directeur et le recrutement du staff de la nouvelle structure. C’est l’AMDL qui sera chargée de la gouvernance et de la mise en œuvre de la stratégie logistique. Et sans elle, on en est encore au point de départ. «Pour le moment, c’est un grand blocage», dénonce Mohamed Talal, président de la Commission logistique/CGEM. Il est vrai que l’ex-ministre du Transport a eu toutes les difficultés du monde pour faire adopter la loi relative à la nouvelle institution. Elle a été publiée au Bulletin officiel en juillet 2011. Mais pour l’heure, elle relève encore du virtuel. Selon le projet de loi organique 02-12, la nomination du directeur de l’AMDL relève du conseil des ministres. Devra-t-on donc attendre que le projet de loi soit adopté par le Parlement et publié au BO avant la nomination d’un patron à la tête de l’AMDL? Le Souverain pourrait toujours tenir un conseil des ministres et nommer un responsable à la direction de l’Agence. En tout cas, la question sera largement débattue demain, mardi 21 février, lors des premières escales sectorielles, dédiées à la logistique et au transport. L’événement, auquel est invité Aziz Rabbah, ministre de tutelle, sera l’occasion d’exposer les priorités du secteur et de dresser l’état des lieux. Karim Ghellab, ancien ministre de tutelle, est lui aussi invité. Un face-à-face qui risque de se passer dans une ambiance électrique. Toujours est-il que les opérateurs de la logistique et du transport veulent rattraper le temps perdu. «L’enjeu est maintenant de mettre en œuvre le contrat-programme logistique ainsi que le premier contrat d’application. Il s’agit également de finaliser les 8 autres feuilles de route prévues», explique Talal. En effet, la stratégie logistique prévoit trois contrats d’application régionaux. Pour l’heure, seule la région du Grand Casablanca est dotée du sien. Deux autres textes devaient être finalisés : Tanger-Tétouan et le reste du Royaume. D’autres feuilles de route restent encore à établir: céréales, flux énergétique, distribution, matériaux de construction… L’on avait annoncé comme imminente la signature du contrat d’application dédié à la formation. Valeur d’aujourd’hui, il n’en est encore rien.
Autre blocage, la mobilisation des fonds prévus par la stratégie. En effet, outre les 50 millions de DH de budget de fonctionnement nécessaire à l’AMDL, le gouvernement devait débloquer 18 milliards de DH sur les 63 milliards de DH prévus. Un chiffre qui avait été avancé de manière inconsidérée car les opérateurs privés ne sont pas disposés à débourser 45 milliards de DH. Et quand bien même ils le voudraient, ils n’en ont pas les moyens.
Outre la logistique, le transport multimodal sera également examiné sous toutes ses coutures. Les escales sectorielles se tiennent dans un contexte particulièrement difficile. Royal Air Maroc vient d’arracher un contrat-programme pour assurer sa survie, tandis que le transport maritime est quasiment en faillite. La situation du transport international sur route (TIR) n’est pas mieux loti. Les opérateurs nationaux ne représentent que 2% du marché.
Sur la réforme du transport de voyageurs, dont les premiers jalons avaient été jetés par Ghellab en fin de mandat, les professionnels préfèrent regarder ailleurs. «Pour nous, ce projet de réforme est nul et non avenu. Il a été conçu sans l’avis des opérateurs concernés et reste complètement déconnecté de la réalité», fustige Abdelilah Hifdi, président de la Fédération du transport. «Dans tous les cas, il faudra éviter de reproduire les mêmes erreurs commises dans la réforme du transport maritime et aérien», prévient Hifdi. Des erreurs qui ont été à l’origine de l’arrivée massive des opérateurs étrangers.
En tout cas, la réforme ne peut être imposée de l’extérieur car elle peut toujours butter sur des résistances. La meilleure démarche serait de tout remettre à plat et de construire un nouveau modèle économique. Pour y arriver, le recours aux services d’un cabinet d’études spécialisé s’avère incontournable.

 "Paru sur l'economiste du 2012/02/20"

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