Intervention du Pr. Hassania CHERKAOUI, Présidente de l’AMDMA lors de la Conférence du 20 novembre 2013 sur « PORTS et AEROPORTS – Les RESPONSABILITES ».
Différents affrètements.- Il existe trois types d’affrètement que l’on distingue par rapport aux gestions que conserve le fréteur. Deux affrètements intéressent particulièrement notre sujet : il s’agit de l’affrètement au voyage et de l’affrètement en coque nue. Dans le premier, le fréteur conserve les deux gestions : nautique (nécessaire à la navigation du navire, concernant l’équipage, l’entretien du navire, l’assurance du corps etc.) et commerciale (concernant l’utilisation du navire, son approvisionnement, les frais d’escale, toutes les décisions concernant son exploitation).
L’intérêt du sujet. – Il n’est pas question ici de donner un cours du droit de l’affrètement, mais d’attirer l’attention sur les possibilités pour notre pays de constituer une flotte marchande par le biais de l’affrètement.
- Aujourd’hui, les entreprises marocaines peuvent faire appel à l’affrètement au voyage pour le transport de leur marchandise en vrac (liquide ou solide). En effet, le dahir de 1962, malheureusement mal compris par les praticiens, qui comprenaient qu’il leur interdisait d’affréter au voyage, alors qu’il ne concernait que quelques marchandises (selon son décret d’application), a été abrogé.
- Mais aujourd’hui, nous avons besoin de faire plus : acheter nos propres navires ! Comment ! Quel est le moyen le moins coûteux pour nous ??
La problématique : Les importateurs et exportateurs marocains n’ont jamais cherché à développer leurs propres « règles » de l’affrètement au voyage, en donnant à leurs fournisseurs ou leurs importateurs étrangers le plein pouvoir de conclure pour eux les contrats (de vente, de transport et d’assurance). Or l’affrètement est important économiquement pour notre balance des paiements et la négociation des clauses appartient à celui qui donne un travail au navire du fréteur (l’armateur). C’est le Maroc généralement qui a ce rôle, car c’est lui qui fait travailler les armateurs étrangers, puisqu’il n’a pas de navire. Il fait, en outre, bénéficier le fournisseur ou importateur étranger auquel il donne le pouvoir de gérer pour lui un contrat de vente maritime. Ainsi, toutes ces transactions internationales (unilatérales), sont favorables pour l’industrie maritime étrangère : leurs armateurs, leurs assureurs, le coût de la cargaison, le tout payé en devises fortes par le Maroc.
Quant à l’achat de navires, et la constitution d’une flotte marchande, le Maroc n’a pas les moyens et aucun « capitaliste ne pense y investir ». Aujourd’hui, le problème est que les bâtiments sont de la 5° génération. Les armateurs à qui le Maroc a ouvert a mer sont nantis de cette catégorie de navire : lesquels dominent aujourd’hui le transport planétaire. Mais le Maroc est loin de tout cela. Il doit quand même penser reconstituer une flotte marchande, car un pays est classé parmi les pays développés par rapport à sa flotte marchande. Voir l’exemple de la Turquie !
Notre propos ici est de donner quelques suggestions pour, au moins, relever un défi : le retour du Maroc maritime à l’âge d’or qu’il a connu dans son histoire, avant ce monde civilisé actuel.
Notre réflexion concerne l’intérêt de l’affrètement au voyage et celui de l’affrètement en coque nue pour développer et reconstituer notre flotte marchande.
I – Concernant l’affrètement au voyage
Lorsqu’on détaille les différentes obligations des parties : fréteur (celui qui loue le navire) et affréteur (celui qui prend en location) (*), on se rend compte que c’est toujours sur la tête de l’affréteur (marocain) que reposent les risques et la responsabilité, et ce, quel que soit l’incoterm choisi : FOB ou CAF ou C&F. Or ce dernier n’a jamais pensé négocier lui-même les contrats qu’il subis pourtant. Evidemment, il n’est pas Partie aux contrats dont il a chargé d’autres de conclure pour lui, mais il en garantie le paiement des frais et des responsabilités qui en découlent.
Le plus grave est qu’il accepte de supporter les clauses de la charte partie qui prévoient, notamment, l’arbitrage à l’étranger pour tout litige, notamment à Londres (**). Mieux ! Même le tiers au contrat (marocain aussi) est broyé par ces pratiques, alors que les clauses qu’il ignore ne lui sont pas juridiquement opposables.
En conclusion, non seulement le Maroc ne bénéficie pas des intérêts que peut lui procurer son commerce international, mais en plus, ses acteurs économiques ne cherchent pas à améliorer leur situation, peut être par paraisse ou habitude de laisser d’autres agir pour eux.
Il est pourtant possible de remédier à cette situation. C’est en nous présentant comme affréteurs de navires afin dominer le marché de l’affrètement au voyage sur le plan international (en achetant FOB et en vendant C.A.F., ce qui permettra, du même coup, de favoriser notre balance des paiements. De cette façon, le Maroc maîtrisera
les coûts du fret (prix du transport) sur le plan international et dominera le marché de l’affrètement en imposant son coût, même des surestaries (frais de retard de déchargement du navire : qui se comptent en milliers de dollars par heure).
(*) Ce n’est pas la location du droit commun, l’affrètement maritime ou aérien est une exploitation d’un bien sur le plan commercial
(**) Les assureurs marocains reçoivent des injonctions de tribunaux anglais les sommant de venir défendre leur dossier devant des arbitres anglais, dossiers qu’ils vont perdre. Leur ignorance car les injonctions ne leur sont pas opposables, car nous sommes un pays souverain et indépendant et nous n’avons aucun accord judiciaire avec les anglais, les fait aller se faire avoir à Londres.
2 - Concernant l’affrètement en coque nue
Une idée sur la position du fréteur : Le fréteur ici (armateur étranger) perd tout contrôle sur son bâtiment car il met à la disposition de l’affréteur (marocain) un navire sans armement, ni équipement ou un équipement réduit. Les deux gestions, nautique et commerciale, passent aux mains de ce dernier, qui doit l’armer et l’équiper, c'est-à-dire le faire naviguer par des équipages marocains (formés par le Maroc mais travaillant aujourd’hui pour le compte d’autres pays).
Pratique de l’affrètement en coque nue.- Dans ce type d’affrètement, que le Maroc n’a jamais conclut, l’affréteur devient le véritable armateur. Mais ne peut l’être n’importe qui !!! Un héritier peut bénéficier d’un navire du son decujus, mais ne peut pas l’exploiter, ni un financier (banque ou assureur). La banque peut ajouter à son département immobilier les navires, qui sont traités comme des immeubles et l’assureur peu se présenter comme adjudicataire dans une vente aux enchères. Le but est d’avoir la propriété du navire et de le fréter en coque nue.
Cela dit, un financier peut affréter un navire étranger en coque nue, lequel peut arborer le pavillon marocain. Dans ce cas, il peut le sous fréter en time charter en donnant à l’affréteur (marocain) le pouvoir de l’équiper et de le gérer. Il peut aussi le donner en gestion technique et commerciale à un cabinet compétent qui viendra installer son siège au Maroc.
Dans l’affrètement coque nue, le navire peut même changer de nationalité. En effet, il passe sous le contrôle intégral de l’exploitant (l’affréteur marocain), car cet affrètement est d’une longue durée (8 à 12 ans), et il finit généralement par être acheté par l’affréteur. C’est par l’affrètement en coque nue que le Maroc finira petit à petit à reconstituer sa flotte marchande, par les bénéfices qu’il va lui procurer : il y a un marché marocain de 70 millions de tonnes de marchandises à transporter annuellement (statistiques de 2011). Le fret (prix du transport) en dehors du fret (prix de location annuel) sera payé en dirhams, argent qui pourra être réinjecter dans notre économie maritime (faire revivre plusieurs métiers maritimes) ; Il suffit de prendre en charge 30 % du marché pour faire redémarrer le transport maritime marocain.
Les possibilités pour le Maroc : Développer le crédit en matière de leasing et la copropriété de navires avec l’aide des banquiers qui prendront la propriété et fréteront les navires en coque nue. L’affrètement en coque nue sert le plus souvent à financer la construction ou l’achat d’un navire. Le préteur, propriétaire, le frète à l’acheteur tant qu’il n’est pas complètement payé. L’armateur, client réel, l’exploite en tant qu’affréteur et verse les frets qu’il encaisse au chantier ou à son banquier. Ce montage garantit le créancier contre le risque d’insolvabilité de l’armateur.
Signalons, enfin, que le Maroc dispose d’officiers marocains de la marine marchande hautement qualifiés qu’il forme pour d’autres armements étrangers, et jusqu’où allons nous former des cadres pour les autres ???
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