Elles résistent à la généralisation de l’usage du briquet.
Avec son esprit «collectionneur», la marque détrône très rapidement «Le Chariot» qui existait depuis 1952.
Le circuit traditionnel reste le principal canal de distribution.
Enterrées avant l’heure, les allumettes semblent résister à la concurrence des briquets. Certes, pas toutes, mais certaines d’entre elles ne sont pas près de disparaître. C’est le cas de la petite boîte d’allumettes en bois «Le Papillon», ou encore «Le Chariot». Toutes deux sont aujourd’hui des marques de la société Diversam-Comaral qui, en plus, commercialise des allumettes en papier ciré sous les trois autres marques que sont «Le Cheval», «La Fleur» et «Le Lion».
Des allumettes pour collectionneurs
Jusqu’en 1980 encore, les deux premières, «Le Papillon» et «LeChariot», étaient les marques phare de la société.La preuve. Les ventes, pour les deux marques, sont passées de 2 millionsde boîtes par mois en 1972 à 10 millions en 1980, à raisonde 50% par marque. Mais, depuis, il semble que «Le Papillon» a mieuxrésisté puisqu’elle s’est maintenue, jusqu’en2006 encore, à 5 millions de boîtes par mois, au moment où lesventes de la petite boîte rouge «Le Chariot» se sont effondréespour atteindre 500 000 boîtes par mois seulement.
Le fabricant de la marque nous livre les secrets de cette petite boîtetrès combative. Peut-être une première grande particularité : « LePapillon » est resté le même depuis sa création en1972. En fait, la fabrication des allumettes est relativement récenteau Maroc. Elle ne commence qu’en 1952, avec l’installation d’unesociété suédoise du nom de Diversam, qui avait introduitles marques «Le Chariot» pour les allumettes en bois, et «LeCheval» pour celles en papier ciré. En 1972, Diversam, qui faisaitjusque-là cavalier seul, est rejointe sur le marché par une entreprisedont les principaux actionnaires sont d’origine italienne, la Comaral,connue pour sa marque «Le Papillon» pour les allumettes en bois,et la «Fleur» pour les allumettes en cire.
Au départ, le packaging du «Papillon» était spécial: la boîte était calquée sur un modèle standard maisle papillon, lui, n’était pas toujours le même. En fait, «c’étaitl’époque où les gens faisaient beaucoup de collections, dephilatélie et même de papillons», nous explique Paolo LuigiCittadini, DG de l’entreprise. Avec une idée aussi originale, Comaralprend progressivement le pas sur Diversam. Mais en 1993, avec l’ouverturedu marché, il fallait une nouvelle stratégie. L’entreprisediversifie alors sa gamme, en lançant «L’Aigle», unenouvelle marque, pour contrer la concurrence éventuelle des marques étrangères.Elle reprend alors un classique des allumettiers internationaux : la boîteest alors ornée de fioritures avec un grattoir en noir et blanc.
Un prix inchangé depuis...1993
Pour «Le Papillon», le graphisme est normalisé, plus stylisé,il ne reprend plus les motifs classiques qui étaient pourtant devenusdes objets culte chez les collectionneurs. «Il fallait à ce moment-là moderniserla marque et renforcer sa présence dans les esprits. Le retour des allumettes étrangèress’est fait sans trop de mal. La force de la marque a fait le reste».
En 2001, Comaral a connu la consécration par la certification ISO 9001-2000.Cinq ans plus tard, elle rachète son concurrent Diversam. La nouvelleentité issue de cette opération prend alors le nom de Diversam-Comaral.M. Cittadini explique que l’entreprise suédoise s’étaittrop «endormie sur ses lauriers» quand les affaires tournaient d’elles-mêmes.Au contraire, Comaral a opté pour une politique de diversification constante.C’est ainsi qu’elle s’est lancée dans la fabricationd’allumettes de sécurité pour la ménagère eta vendu de l’espace publicitaire sur ses boîtes. C’est cettepolitique de diversification qui est toujours suivie par Diversam-Comaral qui,outre ses produits classiques (bougie et allumette), représente la marque «Cricket» debriquets pour endiguer la vague des produits chinois de qualité trèsfaible.
Pour l’activité principale, l’évolution s’estfaite quasiment sans augmentation des prix, qui sont restés stables de1993 à nos jours. Cela tient au fait que l’allumette est un produitde première nécessité dont le prix est réglementé parl’Etat. Tout changement nécessite une autorisation des ministèresdu commerce et de l’industrie et des affaires économiques et générales.
En ce qui concerne la distribution, le circuit des grossistes traditionnels assure90 % des ventes. La raison réside dans des coûts moins élevésque les circuits modernes. De plus, les traditionnels entretiennent des rapports étroitsavec les réseaux de revendeurs. Mais l’essentiel, «c’estde trouver un équilibre entre les deux pour se soustraire à toutedépendance», explique le DG.
Presque toute la production est écoulée sur le marché local.Les exportations en direction de l’Allemagne, alors seul marché à l’étranger,sont aujourd’hui arrêtées. De manière générale,les niches à l’export sont trop petites pour être rentables,entre autres, du fait des coûts de transport et des problèmes afférents à lalogistique.
Il faut donc chercher d’autres sources de revenus pour maintenir la rentabilité.C’est ainsi que les boîtes d’allumettes ont servi, à unmoment donné, de support publicitaire pour d’autres produits, notammentdes marques Nescafé ou Fiat. Mais, au fil du temps, «ce supportpublicitaire mercantile est devenu civique», explique M. Cittadini. Laboîte «Le Papillon» a ainsi servi à communiquer surdes actions nationales comme celles initiées par l’association Afak,ou pour le soutien de la candidature du Maroc à l’organisation dela Coupe du monde de football Maroc 2010.
Pour améliorer sa propre notoriété, «Le Papillon» a été lesponsor de l’équipe nationale de foot lors de la phase des qualificationsde cette Coupe du monde. En somme, même un produit basique comme les allumettesdoit marquer sa présence sur le terrain de la communication, d’autantplus que rien n’est définitivement acquis. D’ailleurs, soulignele DG de Diversam-Comaral, «dans le temps, les affaires tournaient d’elles-mêmesen quelque sorte. C’était la routine. Aujourd’hui, c’estbien plus dur, et il faut vraiment se battre»... sous peine de voir laflamme s’éteindre.
"Article paru dans la Vie Eco, l'histoire des marques"
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