Le spot télévisé s’ouvre sur la terrasse d’un chalet suisse, avec vue sur les Alpes. Sur la table en bois, une plaquette de chocolat Milka et un paquet de caramels Daim se rapprochent l’un de l’autre. Tout à coup, la tablette saute sur les bonbons et les engloutit goulûment tandis qu’une voix off déclare : «Nouveau Milka aux éclats de caramel Daim. Mmmm !»
Nouvelle génération. Ce film publicitaire fait clairement passer le message : le nouveau chocolat de Kraft Foods est un produit «cobrandé», c’est-à-dire vendu sous deux marques à la fois.
Un filon que le géant américain de l’agroalimentaire exploite allègrement depuis deux ans en France, en Belgique, en Allemagne et en Autriche. Pour preuve, le lancement de biscuits LU recouverts de chocolat Côte d’Or, de Petit Ecolier nappés de Milka ou encore de bâtonnets Mikado aux éclats de caramel Daim.
Cette nouvelle génération de produits «deux en un» est née du rachat, en 2007, de LU, la division biscuit de Danone (Petit Beurre, Petit Ecolier…), par Kraft Foods (Côte d’Or, Daim, Milka…). «Ce rapprochement nous a permis de trouver de nouveaux relais de croissance», explique Fabienne Boscher, la directrice marketing de Kraft Foods. L’idée de piocher dans les catalogues des deux entreprises et de marier les marques entre elles s’est rapidement imposée.
Le concept présente en effet de nombreux avantages. Au premier chef, celui de limiter les risques en s’appuyant sur deux signatures très connues. «Sur le marché saturé de la confiserie, lancer une nouvelle marque est devenu très difficile», explique Sandrine Delabrière, du cabinet de conseil Pourquoi pas. Kraft Foods en a fait l’amère expérience en 2008 avec le flop des tuiles au chocolat Eo !. «Daim, Milka et Côte d’Or apportent aussi une vraie valeur ajoutée aux biscuits auxquels ils sont associés», note Nicolas Chomette, le président de l’agence de pub Interbrand Paris. Une façon de lutter contre les marques de distributeurs, qui ont déjà grignoté 30% du marché des biscuits.
Visiblement, la recette fonctionne. «Un an après leur lancement, les Mikado au Daim ont autant de succès que ceux au chocolat au lait, la référence la plus vendue dans les magasins qui les distribuent», note la directrice marketing de Kraft. Le groupe espère connaître la même réussite avec les déclinaisons praliné et «chocolat noir-éclats de fèves de cacao» de sa gamme de LU Côte d’Or Biscuit Intense, lancées en début d’année
Alliances délicates. Ces mariages de raison font-ils pour autant des couples qui durent ? Tout dépend du contrat initial. «Pour qu’une opération de cobranding fonctionne, il faut que les marques aient un lien entre elles et qu’elles soient aussi fortes l’une que l’autre», analyse Sandrine Delabrière. Le danger, sinon, est de créer à deux des problèmes qu’on n’aurait pas eus tout seul. «Le rasoir Braun à la crème Nivea et le podomètre développé par Nike et Apple ont bien marché. En revanche, la combinaison des yaourts Senoble, à l’image plutôt diététique, et des fraises Tagada, en 2000, a fait
un flop», se souvient Xavier
Terlet, du cabinet de conseil en innovation XTC.
Pour éviter ce type d’écueil, Kraft a pris soin de bien choisir les marques à unir. «Nous avons sélectionné Côte d’Or et Daim, très appréciés des plus de 35 ans à fort pouvoir d’achat, pour renforcer la présence de LU sur le segment des biscuits destinés aux adultes», explique Fabienne Boscher. Une cible qui a permis à Kraft de positionner ses nouveautés dans le haut de gamme. Les biscuits LU Côte d’Or sont en moyenne 70% plus chers que les Petit Ecolier…
Côté fabrication, les ingénieurs de LU et de Kraft Foods ont phosphoré ensemble pendant plus d’un an pour mettre au point la bonne recette. «C’est un peu plus long que pour un développement classique car il faut satisfaire les directeurs des deux marques», explique-t-on en interne. Pas besoin, en revanche, de créer de nouvelles lignes de production. Pour le Milka Daim, par exemple, il a suffi de changer le moule du Milka classique et d’ajouter les éclats de Daim.
Gros budget de lancement. Restait à faire connaître le produit. Pour cela, Kraft n’a pas lésiné sur les moyens : 500.000 échantillons et 2 millions de bons de réduction LU Côte d’Or ont été distribués l’an dernier, soit l’équivalent du plan marketing d’Oreo, la star des biscuits américains lancée en France par Kraft en 2010. Les 200 commerciaux de LU ont aussi visité au pas de charge les acheteurs de la grande distribution, histoire de faire référencer les nouveautés et d’organiser une centaine de journées d’animation dans les hypers. Ajoutez à cela trois semaines de spots télé en prime time, une campagne d’affichage dans les grandes villes et la diffusion de bannières de pub sur les sites Web fréquentés par le cœur de cible. Kraft pourrait récidiver dans les prochains mois, d’autres produits cobrandés étant déjà dans les tuyaux. Pépito au Toblerone ? Pim’s au café Jacques Vabre ? Les paris sont ouverts
"paru sur Capital du 14/9/2011"
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