Le Maroc est-il à l’abri du risque de rupture de stock des blés? Du moins pour ce qui est du blé tendre. La question taraude autant les minotiers que les importateurs surtout dans une conjoncture marquée par la flambée des prix à l’international.
A tel point que des producteurs notamment américains se refusent à commercialiser leurs blés, encouragés en cela par la soutenabilité du trend haussier du marché mondial des grains. Surtout que la perspective annoncée d’une bonne récolte russe s’est vite estompée. Valeur aujourd’hui, l’écart des prix entre les blés tendres russe et européen d’environ 40 dollars la tonne à fin juin dernier, il a baissé à moins de 15 dollars.
Or, comment se présente la situation au Maroc. Selon les données de l’Office national interprofessionnel des céréales et légumineuses (Onicl), le disponible en blé tendre s’élève à fin août dernier à près de 18,7 millions de quintaux dont il faut déduire l’équivalent de 2 à 3 mois représentant le stock de sécurité. Autrement dit, de quoi couvrir 2,3 à 3,3 mois des écrasements des minoteries industrielles. Ces derniers portent 3,5 millions de quintaux par mois. D’où le recours à l’importation d’ici fin octobre et au plus tard un mois après. Seulement, cette logique n’est pas partagée par les minotiers. A leurs yeux, l’administration raisonne en termes de volume et occulte la qualité. Selon le directeur de la Fédération nationale de la minoterie, même si la qualité du blé local s’avère parfois irréprochable, la nécessité de le couper avec le blé d’importation constitue la règle. Or, la production de cette année se caractérise par un taux de germination assez élevé et une baisse du poids spécifique des grains. Dans certaines régions à vocation céréalières, le taux de germination varie entre 25 et 30% selon les minotiers
D’ailleurs, la circulaire autorisant pour la première fois l’utilisation du blé tendre dans l’industrie de la provende renseigne amplement sur la qualité de cette céréale. «Si jusqu’à présent, les meuniers ont tant bien que mal jonglé avec le peu de stock du blé d’importation pour garantir aux boulangers une farine panifiable, cela ne peut durer longtemps au risque de se retrouver avec des marchandises invendables», prévient un minotier. Cela pour contribuer au bon déroulement de la campagne de commercialisation de la récolte locale même si une bonne partie des usines a dû tourner au ralenti. Mais la situation ne peut être supportée. «Certains minotiers préféreraient fermer boutique plutôt que d’encourir des pertes», renchérit un professionnel.
«Nous sommes conscients des préoccupations des autorités de tutelle dont le souci majeur est de sauvegarder les intérêts de l’agriculteur en garantissant les meilleures conditions d’écoulement et d’utilisation de la récolte nationale mais tout en veillant à l’approvisionnement du pays selon les règles de compétitivité et de qualité» souligne-t-on auprès de la Fédération nationale des négociants en céréales et légumineuses. D’autant plus qu’il ne reste pas grand-chose à collecter sur le marché local. A fin août dernier le volume global de la collecte du blé tendre a atteint 17,4 millions de quintaux. Chiffre, surtout boosté par les ventes du mois du Ramadan (3,2 millions de quintaux) qui a acculé les agriculteurs à renflouer leur trésorerie.
D’ailleurs, la moyenne de la collecte constatée annuellement excède rarement 50% de la production arrêtée cette année à 45 millions de quintaux. Mais avec le phénomène de la germination, les agriculteurs vont garder les quantités nécessaires pour les semences. Lesquelles seront bien évidemment prélevées sur la production de bonne qualité.
Aussi la commercialisation du blé tendre local ne devrait-elle porter que sur 20 millions de quintaux selon les estimations des professionnels. En clair, l’Etat doit procéder au plus vite au gel des droits de douane sur les importations du blé tendre. A l’appui, la profession avance l’état actuel des cours mondiaux. A la date du vendredi dernier la tonne du blé tendre européen rendue ports marocains s’établissait à 315 dollars hors droits de douane. Majoré de ces droits qui s’élèvent à 130%, le prix de revient doit se situer à 400 DH le quintal. Ce qui est de loin au-dessus du prix de cession à la minoterie fixée par le gouvernement à 260 DH/ql. Pour rappel, l’accord de modération passé entre l’interprofession et l’Etat prévoit trois fondamentaux. Pour que le prix du pain basic soit fixé à 1,20 l’unité, les minotiers se doivent de leur facturer la farine à 350 DH/ql alors que ces derniers auraient bénéficié au préalable d’un prix de cession du blé tendre à 260 DH/ql. Arithmétique fort difficile à réaliser avec l’application des droits de douane.
Mais au-delà, il y a aussi urgence pour le blé dur. Là, le marché qui porte sur 6 à 7 millions de quintaux n’en dispose que de 1,4 million. L’Onicl a lancé le 26 août dernier un avis d’appel d’offres pour l’importation de 300.000 tonnes de blé américain dans le cadre du contingent tarifaire préférentiel. Ce quota est soumis à un droit de douane de 35,5% contre 80% pour le droit commun. Mais malgré ce différentiel de plus de 50%, le prix de revient rendu ports du Maroc est de l’ordre de 530 DH/ql. Ce qui est hors de portée pour les semouleries. Résultat, ledit appel d’offres dont l’ouverture des plis est prévue pour le 15 septembre est d’ores et déjà taxé d’infructueux.
"paru sur l'economiste du 12/9/2011"
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