Contrefaçon: les faux stylos Reynolds inondent le marché

Elle soupçonne un opérateur local d’être à l’origine de l’inondation du marché par ces stylos contrefaits. «Tout a commencé quand nous avons été informés par un client de la vente des stylos Reynolds à un prix beaucoup plus bas que celui pratiqué habituellement par la société Mapaf», explique Abderrazak Nouktif, responsable juridique. En fait, le prix de gros de ces stylos d’origine est de 0,95 DH à partir des dépôts de Mapaf. Ils sont ensuite vendus aux grossistes à 1,20 DH. Le prix de vente public est de 1,50 DH. Quant aux stylos contrefaits, selon les responsables de la société détentrice de la carte Reynolds, ils sont fabriqués en Chine à 0,20 DH. Ils sont ensuite proposés aux grossistes à 0,50 DH. Ces derniers les vendent aux détaillants à 0,70 DH. Evidemment, le consommateur, n’y voyant que du feu, les achète au même prix que les vrais: 1,50 DH.
Le responsable juridique de Mapaf s’est alors déplacé au quartier Garage Allal, fief de la contrebande et de l’informel. «Une fois sur place, je suis entré en contact avec un intermédiaire, qui m’a procuré une boîte de 4.000 stylos. Je me suis ensuite rendu à la kissaria Salam dans le même quartier et j’ai pu acheter une autre boîte de même quantité», raconte Nouktif, qui a visité plusieurs magasins. Le doute n’est donc plus permis. Le marché est submergé de faux stylos Reynolds. Des articles commandés et fabriqués en Chine. Mais depuis quelques jours, la même marchandise a refait son apparition mais à l’échelle nationale. Sauf que cette fois-ci la provenance est le Nigeria.
Selon le management de Mapaf, les stylos sont importés en vrac dans des sacs. L’objectif est de tromper la vigilance des services de la douane et d’importer de grosses quantités. Les stylos sont ensuite emballés dans des boîtes conçues et imprimées au Maroc, à l’identique des stylos authentiques.
Les faux Reynolds se distinguent par leur couleur bleue claire, contrairement aux vrais, qui présentent un bleu nuit plus foncé. De plus, le plastique utilisé pour la fabrication de ces stylos est de mauvaise qualité et se casse facilement. Autre détail distinctif, la pointe bave après seulement quelques heures d’utilisation. Mais pour un consommateur non averti, les deux stylos se ressemblent à s’y méprendre.
Pour sauvegarder ses intérêts, Mapaf a saisi l’Administration des douanes et impôts indirects. Une plainte a également été déposée auprès de la Police judiciaire. Une grosse quantité de stylos imités a déjà été saisie.
Pour l’heure, deux personnes ont été arrêtées et trois autres sont poursuivies en état de liberté à Casablanca. Le responsable juridique de Mapaf assure que le commanditaire de la contrefaçon court toujours.
Actuellement, la valeur du stock de stylos Reynolds invendus s’élève à quelque 10 millions de DH. La société importatrice craint de perdre la carte Reynolds au Maroc. Par conséquent, l’entreprise compte réclamer des dommages-intérêts aussi bien aux personnes arrêtées, au commanditaire qu’à l’imprimeur qui fournit les fausses boîtes.
Fabriqués sous licence et importés de Tunisie, les stylos Reynolds sont le produit d’une société française qui détient également les marques Parker, Waterman, Rotring, Paper Mate…
Le Maroc est signataire de plusieurs conventions contre la contrefaçon. La dernière en date, l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA), a été parafée par le Royaume le 1er octobre 2011 au Japon. Faute de moyens, mais aussi de volonté politique, la contrefaçon reste l’un des maux qui gangrènent l’industrie locale.

"paru sur l'economiste du 7 octobre 2011"