Enfin, les délais de paiement verrouillés!

Formation et Réglementation
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C’est peut-être le début de la fin du cauchemar du problème de recouvrement qui empoisonne la vie des chefs d’entreprises. La législation des délais de paiement tant attendue vient d’être publiée dans le Bulletin officiel (la version en arabe) datée du 6 octobre 2011.

 

La loi limite ainsi «le délai de paiement à 60 jours maximum à compter de la date de réception des marchandises ou de l’exécution de la prestation si les partenaires n’ont pas prévu un délai». Notez bien réception et pas facturation. Par contre, lorsque le délai est convenu dans un contrat, il ne peut dépasser 90 jours à compter de la date de la livraison de la marchandise ou la prestation de service.
Actuellement, en moyenne, il faut compter 150 jours pour le règlement d’une facture, selon les estimations du patronat. Par ailleurs, au moins un effet de commerce sur cinq retourne impayé, selon les indications de Bank Al-Maghrib. Selon la CGEM, «le compte client peut représenter entre 120 et 180 jours du chiffre d’affaires et atteindre jusqu’à 50% du total bilan». Dans ces conditions, les fournisseurs se transforment en banquiers de leurs clients. Et aucune catégorie d’entreprises n’est épargnée par le phénomène de règlement tardif, sauf que les entreprises les plus pénalisées sont les TPE et PME qui représentent 95% du tissu économique. Ce qui entraîne souvent des situations de cessation de paiement, pouvant entraîner des faillites.
Or, mis à part la réglementation des marchés publics qui impose à l’administration de respecter les délais de paiement sous peine d’intérêts moratoires, il n’existait pas de réglementation spécifique encadrant lesdits délais de paiement dans les transactions commerciales. Dans le droit commun, la principale obligation de l'acheteur est de payer le prix au jour convenu selon le Dahir des obligations et des contrats ( DOC). Laissant ainsi aux partenaires la liberté de négocier et de fixer les délais de paiement dans le cadre de conventions qu’ils passent entre eux. Celles-ci ont force de loi. Mais au-delà, toute négociation procédait des rapports de force en présence. Parfois même selon la nature de la prestation ou de la marchandise à fournir.
Une des avancées tient donc au rééquilibrage des rapports de force entre grosses et petites entreprises dans un cadre légal. Désormais, un plafond est fixé pour les deux parties bien qu’il soit assez élevé (90 jours) par rapport au délai non-contractuel (60 jours). Cela traduit l’empreinte de la CGEM qui est à l’origine du texte. Les négociations interprofessionnelles ont du être certainement trop laborieuses pour dégager un compromis. Toutefois, la proposition du patronat a prévu des dérogations pour certains secteurs, à l’instar des réglementations européennes, mais qui n’ont pas été reprises pas le texte de loi. «Un décret peut réduire le délai maximum (60 jours) pour les professionnels d'un secteur suite à des accords conclus à cet effet par leurs organisations professionnelles», peut-on relever dans la mouture de la CGEM. Toutefois, le législateur marocain a placé la barre trop haut par rapport à la réglementation européenne avec laquelle notre pays est appelé à opérer des convergences dans le cadre du Statut avancé. En effet, le Conseil de l'Union européenne a édicté la directive 2000/35/CE qui fixe les délais à 30 jours après la réception de la facture à défaut de fixation d’un délai de paiement spécifique dans le contrat de vente. A la suite de cette directive, les pays membres ont développé, chacun de son côté, des réglementations spécifiques. Mais tous doivent s’y conformer dès mars 2013. A titre d’exemple, la France s’est conformée à la directive européenne pour le cas de défaut de délai dans les contrats. Pour le reste, la loi sur la modernisation de l’économie fixe le délai à 60 jours à partir de l’émission de la facture ou 45 jours fin de mois. En revanche, le nouveau texte règle un problème de taille, celui des dommages et intérêts en cas de retard de paiement. Par le passé, quand un litige commercial entre deux partenaires est porté devant un tribunal, le montant de l’indemnisation est laissé à l’appréciation des magistrats qui ne sont pas souvent outillés pour une telle expertise. Sans oublier la lourdeur de la procédure judiciaire. Avec l’entrée en application du nouveau texte, cette situation ne doit plus exister. Seulement, il faut attendre la publication des instruments d’application pour en fixer les taux de pénalités de retard. Toutefois, tout porte à croire que c’est le taux directeur de Bank Al-Maghrib majoré d’une marge déterminée qui servira de référence. D’ailleurs, ce système est conçu pour compenser les intérêts bancaires supportés par les fournisseurs. C’est pourquoi «les parties doivent préciser le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de paiement convenue entre les parties. Ce taux ne peut être inférieur à celui fixé par la réglementation», stipule l’article 78-3. Et même si le délai de paiement n’est pas convenu entre les parties, des pénalités de retard au taux minimum sont exigibles sans formalité préalable à l’expiration de soixante jours après la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée, est-il précisé.
Pour ce qui est du contrôle, il est confié aux commissaires aux comptes. C’est à eux qu’il incombe de vérifier le respect de l’application de la nouvelle réglementation. Quant aux sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un ou plusieurs commissaires aux comptes, elles doivent faire preuve de plus de transparence. Elles ont l’obligation de publier les informations sur les délais de paiement de leurs fournisseurs ou de leurs clients. Les modalités en seront définies par voie réglementaire.
La disposition initiée conjointement par le patronat et le gouvernement est un amendement du code du commerce. A noter une originalité dans le process: il s’agit d’un texte portant le sceau royal et contresigné par le Premier ministre conformément aux dispositions des articles 42 et 50 de la nouvelle Constitution. Le recours à cette procédure témoigne à ne point douter de l’urgence de la question, mais aussi du poids que pèse le retard des paiements interentreprises sur l’investissement.

 "paru sur l'economiste du 17/10"

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