En moins de deux décennies, la capacité des navires porte-conteneurs a triplé[1]. Si ce gigantisme a permis la réduction des coûts d’exploitation et l’amélioration des capacités de service, il pose toutefois un problème épineux, celui de l’accumulation des valeurs embarquées et de l’empilage des risques. Cette question ne date pas d’aujourd’hui, car déjà en septembre 2006 à Tokyo, une session de l’IUMI[2] s’y est penchée. Pour une perte totale d’un navire porte-conteneurs de dernière génération, le coût du sinistre pourrait facilement avoisiner les 10% des primes encaissées au niveau mondial en assurances maritimes, tous risques confondus.
Quelque bonne que soit la santé financière des assureurs, et en dépit de la protection offerte par la réassurance, la limitation des engagements des compagnies d’assurance devient incontournable. On parle alors du « risque maximum » qui correspond, pour faire simple, à la valeur totale du navire et de sa cargaison. C’est pour cette raison que chaque police d’assurance prévoit un montant maximum d’engagement par expédition et par navire appelé « plein d’assurance ».
Pour déterminer le plein idoine, les assureurs recourent à plusieurs méthodes d’évaluation des risques. La première, consiste en la recherche du plein permettant de couvrir des expéditions ponctuelles de haute valeur sans recourir à la réassurance. En règle générale, le plein dans ce cas ne dépasse pas le triple de la valeur de l’expédition moyenne du transporteur : c’est le « rapport expédition moyenne sur plein de contrat d’assurance ». Dans la deuxième solution dite de « financement sur 10 ans », l’assureur accorde un plein pouvant être refinancé par la prime annuelle sur une période de dix années en cas de perte totale exceptionnelle. Enfin, la troisième méthode d’évaluation est la recherche du ratio « prime moyenne portefeuille/plein moyen portefeuille ». En associant ce ratio par tranches de pleins aux rapports « sinistres/primes », l’assureur est en mesure de vérifier si les pleins accordés sur telle ou telle tranche sont raisonnables par rapport aux primes d’assurance demandées.
Par ailleurs, il convient de rappeler que les pleins d’assurance s’entendent par moyen de transport, par sinistre et par séjour. Guette alors le danger de cumul des risques, surtout lorsque plusieurs méga porte-conteneurs sont en opérations commerciales dans un même port, et que ce dernier est situé dans une zone qui n’est p as à l’abri des menaces de la nature : inondations, secousses telluriques, etc. Pour contrôler les risques de cumul, les assureurs soumettent aux transporteurs des clauses d’accumulation des risques.
Dans la pratique, le contrat d’assurance n’est pas établi pour un seul voyage avec désignation du navire transporteur. En effet, la majorité des contrats sont souscrits à l’année par le biais de polices d’abonnement ou sur le chiffre d’affaires, ce qui ne permet pas aux assureurs de cerner la totalité de leurs engagements.
Tout laisse donc à penser que la protection des réassureurs se fera payer à prix fort eu égard à ces nouveaux risques, et ce par applications de méthodes s’apparentant à celles utilisées par le souscripteur pour déterminer le « sinistre maximum possible »[3].
Mohammed Rida EL MARIKY
Pilote au port de Tanger Med
PhD
[1] 4 419 EVP pour le MSC Napoli construit en 1991 contre 18 000 EVP pour les navires de type Triple-E
[2] International Union of Marine Insurance
[3] Le Sinistre Maximum Possible (S.M.P.) correspond au montant des dommages matériels le plus important pouvant résulter d’un événement garanti. C’est le pire scénario imaginable entraînant l’épuisement total de la garantie.
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