Le Transport de denrées périssables entre le Droit et la Pratique

Transport de Fret
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Chapitre 1er : LA DETERMINATION DES DENREES PERISSABLES

En vue de contribuer, d’une part à permettre aux professionnels de transport, de mieux connaitre les marchandises qu’ils déplacent, et d’autre part, à faciliter la tache aux hommes de la justice lors de traitement des contentieux liés transport de denrées périssables, il sera procéder dans ce chapitre à la mise en relief des moyens juridiques permettant de distinguer une denrée périssable, des autres produits alimentaires.

La distinction des denrées périssables

La distinction des denrées périssables peut être recherchée, à travers une définition classique auprès des textes de loi et des règles d’usage ou bien, par leur énumération, à travers ces mêmes textes et règles.

1-Définition des denrées périssables :

Les denrées périssables sont avant tout, des produits alimentaires. Conformément au décret n°2-01-1016 du 4 juin 2002 réglementant les conditions d’étiquetage et de présentation des denrées alimentaires ; « on entend par denrée alimentaire : toute denrée ; produit ou boisson destinés à l’alimentation de l’homme ; …… »

La loi 28/07 relative à la sécurité sanitaire des produits alimentaires définit les produits alimentaires comme «  tout produit végétal ou animal, brut ou totalement ou partiellement traité, destiné à la consommation humaine y compris les boissons, la gomme et tous les produits ayant été utilisés pour la production et la préparation ou le traitement des aliments. Ce terme ne couvre pas les plantes avant leur récolte et les animaux vivants, à l'exception de ceux préparés en vue de la consommation humaine, en l'état, tels que les coquillages et ne couvre pas non plus les médicaments, les produits cosmétiques et le tabac ».[1]

Ladite loi qualifie également les produits alimentaires de produits primaires lorsqu’il s’agit de « ….. Produit agricole destiné à la consommation humaine, cultivé, cueilli ou récolté, ainsi que tout produit tiré des animaux tel que le lait ou le miel ou les œufs et les produits de la chasse, de la pêche ou de la cueillette… »[2]

Cependant, ces denrées ne sont pas des marchandises ordinaires, elles sont périssables. L’adjectif périssable signifie « Ce qui est susceptible de s’altérer, c'est-à-dire qui est fragile, qui n’est pas durable »[3]. Ou bien « Qui ne peut être conservé longtemps dans des circonstances normales sans s'altérer »[4]

Il s’agit donc de produits alimentaires sujets à détérioration ou altération. De ce fait, ils vont constituer un terrain fertile pour la prolifération microbienne et la contamination si leurs conditions de stockage ou de transport n’assurent pas la température requise pour ralentir leur processus d’altération.

Les règles de droit spécifiques au transport de denrées périssables, ne prévoient pas de définition pour le terme « denrées périssables ». Ce constat est fait au niveau des textes internes (le décret n° 2-97-177 du 23 mars 1999 relatif au transport de denrées périssables / l’arrêté conjoint du ministre de l'agriculture et du développement rural et du ministre de l'équipement et du transport n° 1196-03 du 30 avril 2004 relatif aux normes auxquelles doivent satisfaire les engins de transport isothermes, réfrigérants ou frigorifiques, et fixant les méthodes d'essai et de contrôle qui seront appliquées à ces engins, les conditions d'attribution, les modèles des certificats d'agrément ou d'attestation de conformité, les marques d'identification à apposer sur lesdits engins et la nature des documents qui doivent les accompagner au cours de leur déplacement) ainsi qu’au niveau des textes internationaux (accord relatif aux transports de denrées périssables et aux engins spéciaux pour ces transports “ATP“)[5]

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En revanche, le décret d’application[6] de la loi 28-07 relative à la sécurité sanitaire des produits alimentaires, définit un Produit alimentaire périssable comme : produit alimentaire qui peut devenir dangereux du fait de son instabilité micro biologique lorsque la température d’entreposage n’est p as maîtrisée.

Certains textes de la législation française présentent une définition des denrées périssables. Ainsi, l’article R 231-59-1 du code rural français définit les denrées périssables, comme « denrées alimentaires pouvant devenir dangereuses du fait de leur instabilité microbiologique lorsque la température d'entreposage n'est pas maîtrisée, doivent être transportées dans les conditions fixées par la réglementation. »

Dans le même sens, le contrat type français appliqué au transport de marchandises périssables, dans son article 2-12 dispose que « par marchandises périssables, on entend les denrées et produits sujets a prompte détérioration et/ ou dont la conservation justifie le maintien sous température dirigée »

La recherche d’une définition auprès des professionnels nationaux du transport routier de denrées périssables était sans utilité, en l’absence d’organisation professionnelle regroupant uniquement les professionnels du transport de denrées périssables. Les operateurs de ce sous secteur du transport routier de marchandises ne sont pas encore bien encadrés, malgré qu’ils sont affilies aux différentes organisations représentatives de transport routier de marchandises.

En revanche, dans les pays occidentaux l’existence réelle et efficace d’organisations professionnelles spécialisées dans le transport routier de denrées périssables, n’est plus à démontrer. Certaines d’entre elles fixent à leurs membres les règles à suivre lors de la manipulation des denrées périssables, elles vont même jusqu'à les définir.

Ainsi, l’association des chemins de fer du Canada, dans une circulaire relatant les instructions générales relatives à la manutention des denrées périssables, définit elle le terme denrées périssables, comme «  denrées susceptibles de se détériorer ou d’être altérées par suite de changement de température, et qui peuvent être protégées par réfrigération, ventilation, chauffage ou par une combinaison de réfrigération et de chauffage ou de chauffage et de ventilation »[7].

De sa part, la FDA[8] propose de définir une "denrée périssable" comme « tout produit alimentaire non traité thermiquement, non congelé et non protégé par un autre moyen destiné à en préserver la qualité, s'il est conservé pendant plus de 7 jours dans des conditions normales d'expédition ou de stockage ».

Toutefois, si les règles de droit interne et international, spécifiques au transport de denrées périssables, ne prévoient pas de définition « classique » pour les denrées périssables, elles procèdent par contre, par énumération des dites denrées.

2-Enumération des denrées périssables

La convention internationale (ATP) dans son annexe 2 consacrée à la fixation des températures à respecter au moment du chargement, pendant le transport et au moment de déchargement, dresse une liste des denrées périssables objet du transport réglementé par cet accord, à savoir:

- Crèmes glacées et jus de fruits concentrés,     

- Congelés ou surgelés 

- Poissons congelés ou surgelés

- Toutes autres denrées surgelées         

- Beurre et autres matières grasses congelées   

- Abats rouges, Jaunes d'œufs, volailles et gibier congelés        

- Viandes congelées

- Toutes autres denrées congelées.

Conformément au même texte et précisément dans l’annexe 3 de l’accord ATP, une autre liste concerne les denrées qui ne sont ni surgelées ni congelées. Il s’agit des :

-Abats rouges 

-Beurre

-Gibier

-Lait en citerne (cru ou pasteurisé)       

-Lait industriel

-Produits laitiers (yaourts, kéfirs, crème et fromage frais)         

-Poisson (doit toujours être transporté sous glace)        

-Produits préparés à base de viande

-Viande (abats rouges exceptés)           

-Volailles et lapins

Au niveau des textes internes, le décret n° 2-97-177 du 5 hija 1419 (23 mars 1999) relatif au transport des denrées périssables, dispose que ses prescriptions s’appliquent aux denrées d'origine végétale surgelées et aux denrées périssables animales ou d'origine animale visées à l'article 2 du dahir portant loi n° 1-75-291 du 24 chaoual 1397 (8 octobre 1977) qu'elles soient à l'état frais, congelé ou surgelé . Les denrées visées par cet article sont :

-Les denrées animales présentées à la vente pour la consommation, entières ou découpes, telles que les espèces ovine, caprine, cameline, et porcine ainsi que celles d’origine chevaline et asinienne et de leurs croisement. Sont visées également par ce texte, les denrées animales provenant de volailles, des lapins domestiques et les produits de la mer et d’eau douce dont la vente est autorisée au Maroc ainsi que les viandes et abats. C'est-à-dire, toutes les parties des animaux de boucheries, de volailles, de lapins, susceptibles d'être livrées au public en vue de la consommation.

- Les denrées d'origine animale, lesquelles comprennent les produits comestibles élaborés par les animaux à l'état naturel, notamment le lait, les œufs et le miel, ou transformés, ainsi que les denrées animales présentées à la vente après préparation, traitement, transformation, que ces produits soient mélangés ou non avec d'autres denrées.

Le titre 2 du décret du 23 mars 1999 relatif aux mesures à prendre pour le chargement de denrées périssables, mentionne certaines de ces denrées, a savoir :

-Les carcasses de bovins, ovins, caprins, porcins, équidés, ainsi que les pièces de découpe et les viandes congelées[9]

-Les sardines congelées en mer et destinées à la conserverie, les abats congelés, les viandes de volailles et de lapins à l'état frais ou congelé, les produits dérivés ou transformés d'origine animale, les petites pièces de gibier congelées ou non, les produits de la mer et de l'eau douce congelés[10]

-Les corps gras alimentaires animaux ou d’origines animales autres que les beurres (article14).    

-Les poissons frais, les crustacés et mollusques, à l'exception de ceux qui sont présentés à la vente vivants ou congelés[11]

-Les poissons vivants [12]

-Les crustacés transportés vivants à l'air libre[13]

-Les huîtres, moules et autres coquillages, ainsi que les oursins et violets à l'état vivant[14].

-Le lait et les produits laitiers, les œufs et les ovo produits, les laits conditionnés en vue de leur vente, excepté les laits contenus dans les bidons, les beurres, les crèmes fraîches ou congelées, les glaces et crèmes glacées, les fromages frais et les yaourts, les ovo produits réfrigérés ou congelés, les fromages à pâte molle, à pâte persillée, à pâte pressée ou cuite[15]

On rencontre également dans l’arrêté du ministre de l'agriculture, du développement rural et des pêches maritimes n° 938-99 du 29 safar 1420 (14 juin 1999) fixant les états et les conditions de températures maximales de transports des denrées périssables, la liste des denrées congelées , surgelées et réfrigérées visées par l’annexe 2 de l’accord ATP.

La recherche de définition pour les denrées périssables, démontre que certains textes de lois et des règles d’usage, donnent des définitions des denrées périssables. D’autres textes ne prévoient pas de définition, mais procèdent par énumération des denrées périssables.

Cependant, les définitions ci-dessus visées, démontrent certaines insuffisances quant à leur approche. Le législateur français, à travers le code rural, limite les denrées périssables, aux seules denrées alimentaires qui, du fait de l’absence de maîtrise de température, peuvent devenir dangereuses. Cette définition néglige les denrées alimentaires, qui de ce fait, perdent seulement de leur qualité, mais peuvent être consommées sans danger, notamment lorsqu’elles sont destinées à l’industrie de transformation. Aussi, la mauvaise maitrise du froid, n’implique pas systématiquement une surélévation de température. Une descente de température à des degrés dépassant de loin les besoins en température de la marchandise entreposée ou transportée, affectera certainement sa qualité, sans toutefois la rendre dangereuse.

D’autre part, l’énumération des denrées alimentaires, adoptée par les règles de droit interne et international des transports de denrées périssables, n’est pas exhaustive. La possibilité de voir dans l’avenir, apparaitre de nouvelles denrées, à l’aide de l’évolution de la technologie agricole et les progrès de l’industrie alimentaire, pourra justifier les limites de ces règles.

A cet effet, il nous parait utile de procéder par catégorisation des denrées périssables en plusieurs groupes, tout en utilisant une formule qui permettra l’application des textes concernés, à d’éventuelles espèces de denrées périssables. On adoptera par exemple les catégories suivantes :

- les fruits et légumes ;

- les produits carnés ;

- le lait et les produits laitiers ;

- les produits de la mer ;

- la charcuterie, salaison et plats cuisinés (frais ou surgelés) ;

- la pâtisserie, viennoiserie et les plats traiteurs frais ou surgelés

Cette approche sera complétée par une liste de produits à exclure de la réglementation du transport de denrées périssables, à savoir :

- Les fruits et légumes frais, à l'exception des denrées végétales et préparations crues prêtes à l'emploi qui sont soumises à des règles d'hygiène.

- Les produits d'origine animale salés, séchés ou fumés, toutefois leur transport doit s'effectuer de façon à ne pas les altérer.

- Les œufs frais en coquille, lorsqu’ils ne sont pas réfrigérés. Dans ce cas ils peuvent voyager en véhicule ordinaire sous réserve de les préserver, notamment, des chocs thermiques.

Il s’avère de ce qui précède, que les denrées périssables se distinguent par leur nature fragile, constituant une cible vulnérable pour les différents facteurs de détérioration. Feront donc, objet du prochain chapitre, les particularités de la nature des denrées périssables et les implications qui en découlent

 

[1] Art. 2 de la loi 28-07 relative à la sécurité sanitaire des produits alimentaires

[2]Art 2 de la loi 28-07 relative à la sécurité sanitaire des produits alimentaires

[3]www.larousse.fr/dictionnaires

[4] www.cnrtl.fr/lexicographie

[5] Convention internationale connue sous les initiales( ATP). Il s’agit de l’accord relatif aux transports internationaux de denrées périssables et aux engins spéciaux à utiliser pour ces transports, fait à Genève le 1er septembre 1970 sous l’égide de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe, entré en vigueur le 21 novembre 1976 . Les Etats contractants sont au nombre de 38 dont le Maroc, en vertu du dahir n° 1-81-287 du 11 rejeb 1402 (6 mai 1982) .Bulletin officiel n° 3662 du 20 rebia I 1403 (5 janvier 1983). A noter que L’ATP est un accord entre États, et aucune autorité centrale n’est chargée de son application. Dans la pratique, les contrôles sont effectués par les Parties contractantes. Si les règles sont violées, les autorités nationales peuvent poursuivre les contrevenants en application de leur législation interne

[6] Article 2-10 du Décret n°2-10-473 du 7 chaoual 1432 (6 septembre 2011) pris pour l’application de certaines dispositions de la loi n°28 -07 relative à la sécurité sanitaire des produits alimentaires

[7] Circulaire concernant les instructions générales relatives à la manutention des denrées périssables, établit par l’association du chemin de fer au Canada, destinée au personnel des chemins de fer manipulant les denrées périssables.

[8] FDA : La Food and Drug Administration (abréviation : FDA) est l'administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments.

[9] article 12 du decret du 23 Mars 1999

[10] article 13 du decret du 23 Mars 1999

[11] article15-1 du decret du 23 Mars 1999

[12] article 15-2 du decret du23 Mars 1999

[13] (article 15-3 du decret du 23 Mars 1999

[14] article 15-4 du du decret du23 Mars 1999

[15] article 16 du decret du 23 Mars 1999

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