LE TRANSPORT DE DENREES PERISSABLES ENTRE LE DROIT ET LA PRATIQUE

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Chapitre 2eme : La nature instable des denrées périssables

A partir du chapitre précédent, il nous a été permis de déterminer la notion de denrées périssables. Toutefois, la détermination de cette notion ne sera pas suffisante pour bien connaitre les particularités des dites denrées. S’impose donc, l’analyse de leur nature. C’est ce qui fera l’

Les denrées périssables se distinguent par leur composition chimique, marquée par un catabolisme qui fait de la plupart de ces produits, des denrées qui seront toujours vivants au moment de leur manipulation et continueront ainsi à se transformer durant toutes les étapes précédant leur consommation.

De par cette nature altérable, les denrées périssables offrent un milieu fertile pour la multiplication des microorganismes, aussi bien les moisissures[1] que les levures[2] et les bactéries. Elles seront donc disposées à perdre facilement leurs propriétés fonctionnelles, nutritionnelles et organoleptiques, par l’implication de plusieurs facteurs

Les facteurs de la détérioration des denrées périssables

Les denrées périssables sont donc disposées à perdre facilement leurs propriétés fonctionnelles, nutritionnelles et organoleptiques. En plus des facteurs microbiologiques (I), leur détérioration provient également de facteurs d’origine biochimique (II)

I-Détérioration d’origine microbiologique

Les symptômes de détérioration des denrées périssables différent selon que l’aliment est d’origine animale ou végétale.

S’agissant des tissus animaux, Les aliments d'origine animale sont sensibles à l'altération microbienne. Il peut devenir très dangereux de consommer ces produits si des mesures limitant la contamination et la croissance microbienne ne sont pas appliquées tout au long de la transformation et de la distribution de ces produits.

Les problèmes associés à l'attaque microbienne, se limitent donc dans ce contexte, à des dégradations superficielles, observables dans la plupart des cas. Dans le cas de la viande fraîche d'humidité normale, qui est habituellement réfrigérée, les bactéries putréfactives du genre Pseudomonas sont les plus fréquemment isolées. La croissance de ces bactéries est accompagnée de la multiplication d'autres bactéries psychrophiles du genre Enterobacter, Acinetobacter, Lactobacillus, etc. Habituellement, la surface se couvre d'une couche poisseuse et la dégradation se manifeste par des odeurs désagréables. Si la surface de la viande est sèche, ce sont surtout les moisissures qui vont s'y développer puisque l'activité de l'eau est alors à un niveau qui ne permet pas le développement bactérien. On observe alors des points noirs de Clasdosporium herbarum[3], (moisissures constituant les agents les plus rencontrés et les plus redoutables sur les poires en conservation au Maroc) , des taches vertes de Penicillium[4].

Quant aux tissus végétaux, La présence de nombreux microorganismes sur les produits végétaux est inévitable, puisqu'elle est reliée à l'environnement dans lequel poussent les produits végétaux. La cause principale de détérioration des fruits et légumes est la prolifération des bactéries, des moisissures et quelquefois, des levures. Les bactéries du genre Pseudomonas et Erwinia sont souvent impliquées dans la détérioration des fruits et légumes. Les pathogènes les plus fréquemment isolés appartiennent essentiellement au genre Clostridium. Toutefois, des conditions suboptimales de pH (< 4.5) et une température plus basse que 3.3°C empêchent la croissance et la production de toxines par les spores de C. botulinum. Le genre Bacillus aussi été impliqué dans la détérioration, mais à un degré moindre. Néanmoins, les moisissures sont les principaux agents de détérioration des légumes. Le genre Botrytis est, de loin, celui qui fait le plus de dommages. On retrouve des levures surtout sur les fruits, dont elles consomment les sucres pour les transformer en alcool.

Les intoxications alimentaires sont ainsi provoquées par l'absorption d'une grande quantité de bactéries ou de leurs toxines, dont les plus courants sont: Saimonella[5], Shigella[6], Campylobacter jejuni[7], Yersinia enterocolitica[8], Listeria[9], Vibrio[10], Escherichia coli[11].

Les conséquences de la croissance microbienne sont très différentes selon les aliments et les espèces de microorganismes considérées. Parmi les microorganismes susceptibles de se multiplier dans les aliments, on distingue les catégories suivantes :

- les organismes saprophytes ou communs, qui n'ont aucun effet notable lorsqu'ils sont présents en quantité limitée;

- les microorganismes utiles, qui produisent des substances désirables, comme les bactéries lactiques et les bifidobactéries dans les produits laitiers fermentés, les levures employées dans la production du pain et du vin et les bactéries acétiques produisant le vinaigre;

- les microorganismes de dégradation, qui causent la perte des qualités organoleptiques (goût, couleur, texture) comme la flore putréfactive des aliments riches en protéines (viande, poisson, lait, œufs, etc.);

- Les microorganismes pathogènes, qui mettent en péril la santé du consommateur, et qui se développent généralement sans modifier le goût, l'odeur ou l'aspect de l'aliment.

II-Détérioration d’origine biochimique

Certaines denrées sont encore vivantes lorsqu’elles sont transportées comme, par exemple, les produits végétaux frais (fruits et légumes). Cela emporte plusieurs conséquences qu’il faut prendre en considération afin que les produits arrivent à destination dans les conditions requises. Pour ces denrées, respiration et transpiration sont les manifestations physiologiques les plus importantes de leur vie. La maturation s’y ajoute en tant que phénomène physique.

1- La respiration :

La respiration du produit se traduit par l’absorption d’oxygène et le rejet de gaz carbonique et d’eau avec dégagement de chaleur. Cette production d’énergie affecte la qualité du produit[12] (ex : bananes, avocats). Il est à signaler que les critères de qualité sont réglementés en majorité par le codex[13], par certaines directives européennes ou par les professionnels du secteur. Ces normes internationales concernent la taille, la forme et la couleur du produit Toutefois, ces règles peuvent être assouplies pour des raisons commerciales ou sociales[14].

La chaleur de respiration est très liée à la température des produits. Son élimination augmente le délai de mise en température des chargements. Elle conduit à des installations de ventilation plus puissantes, ce qui entraîne un besoin de froid supplémentaire. La respiration demande donc de gérer non seulement une source de chaleur supplémentaire, mais également un dégagement de gaz qui peut être nocif pour les marchandises voisines sensibles au gaz carbonique. En respirant, le produit émet de la vapeur d’eau qui se diffuse vers l’atmosphère ambiante.

 

2-La transpiration :

Elle occasionne une perte de masse (déchet de route)[15], qui, pour des raisons commerciales, doit rester aussi faible que possible et dans des limites acceptables. Elle augmente l’humidité de l’air ambiant qui perturbe le fonctionnement de l’installation frigorifique (formation de givre au niveau de l’évaporateur).

Le processus physique d’évaporation dépend de la température et de l’humidité relative de l’air.

Les produits sensibles, tels que bulbes, oignons, peuvent nécessiter un séchage de l’air, réalisé par réchauffement en aval de l’évaporateur.

Tous ces éléments imposent donc un renouvellement d’air plus important et des productions de froid plus importantes afin d’éviter un incident de température mais également des avaries dues à une atmosphère trop chargée en gaz ou en humidité.

De même, l’augmentation du renouvellement d’air sera imposée pour ralentir le mûrissement du produit afin qu’il puisse être commercialisable lors de son arrivée.

 

3-Le mûrissement

Les activités métaboliques de la maturation sont complexes, incluant l’émission de substances volatiles, telles que l’éthylène. La présence d’éthylène active la maturation.

Par contre, des températures réduites et un renouvellement d’air plus important freinent ce processus.

Par conséquent, non seulement les produits produisent eux-mêmes de l’éthylène, mais en plus, cette substance accélère leur maturation.

Tous les fruits et légumes émettent de l’éthylène en quantités variables. Par exemple, les avocats, les bananes et les kiwis ont une grande sensibilité à l’éthylène et demandent, par conséquent, un renouvellement d’air élevé. Alors que les ananas et le litchi ne sont pas très sensibles à l’éthylène et ont donc des besoins en renouvellement d’air très réduits.

La définition des denrées périssables et l’analyse de leur nature, nous ont été utiles dans la mesure où cela nous a permis de relever les différents aspects du caractère sensible de ces denrées. Cette visibilité, contribuera à faire le bon lors du conditionnement des denrées périssables. C’est ce qui fera l’objet du prochain article.

 

[1] Moisissures: champignon microscopique, de couleur verdatre ou blanchatre, qui se développe à lafaveur de l’humidité et leplus souvent de l’obscurité, à la surface des substances organiques dont il entraine une alteration

[2] Levure: elle désigne originellement des champignons unicellulaires capable de provoquer la fermentation des matieres.

[3] Etude sur cinq especes de moisissures isolés à partir de poires conservées en chambres froides au Maroc, effectué par les professeurs A.MAOUNI (département des sciences naturelles, Ecole normale supérieur) A. Llamarti ( Unité de biotechnologie et d’amélioration des plantes département de biologie, facultés des siences.Tetouan, Maroc), A.DOUIRA (laboratoire botanique et protection des plantes, département des sciences de biologie, facultés des sciences, Kenitra. Maroc) A. BADOC ( laboratoire de Mycologie et biotechnologie végitale, Faculté des siences pharmaceutiques, université Victor Segaler Bordeaux ).

[4] Figure parmi les bacteries qui sont à l’origine des allergies respiratoires ( CITADOC : Organe de communication intermédicale à l’attention des medecins généralistes-France) lien electronique www.checitadelle.be

[5] La salmonellose est une maladie infectieuse provoquée par des bactéries de type Salmonella. La contamination de la bactérie à l'organisme se fait par ingestion d'aliments infectés ou des contacts avec des zones où prolifère la bactérie comme des milieux aquatiques ou des matières fécales. La salmonellose est l'une des principales causes d'intoxication alimentaire, et ses symptômes sont semblables à ceux d'une gastro-entérite plus virulente : diarrhées, nausées, vomissements, fièvre, douleurs abdominalesmaux de tête, parfois des troubles du sommeil

[6] Shigella est un genre de bactéries responsables d'infections intestinales appelées shigelloses. Elles se transmettent par l'ingestion d'eau ou d'aliments contaminés. Elles entraînent des diarrhées aiguës, des vomissements, des douleurs abdominales et de la fièvre. Il existe quatre espèces de ce genre. La plus connue, Shigella dysenteriae, provoque des formes graves de la maladie dans certaines régions tropicales.

[7] Le Campylobacter est une bactérie source d'infections essentiellement intestinales. Il en existe différents types, dont le Campylobacter jejuni en cause dans des gastro-entéritesmajoritairement avec douleurs abdominalesdiarrhées et vomissements parfois

[8] Yersinia enterocolitica fait partie du règne des bactéries. Il s'agit d'un bacille à Gram négatif qui peut contaminer les hommes, mais également les animaux. Les yersinioses, qui sont des infections localisées de l'intestin grêle, sont causées par yersinia enterocolitica. Les jeunes enfants sont particulièrement touchés par yersinia enterocolitica qui entraîne des entérites, c'est-à-dire des infections de l'intestin grêle. Les manifestations les plus sévères de yersinia enterocolitica sont des septicémies (infections du sang), de l'arthrite ou des abcès hépatiques

[9] Listeria monocytogenes. Est une bactérie qui entraîne une septicémie ou une infection du système nerveux central. Chez la femme enceinte, elle peut provoquer un avortement, un accouchement prématuré ou une infection neonatal. Elle est mortelle dans 20 à 30% des cas survenant en dehors de la grossesse.

[10] Le Vibrio cholerae, ou bacille virgule, est une bactérie qui est à l'origine du choléra. On retrouve le Vibrio cholerae dans les milieux aquatiques, plus particulièrement d'eaux douces et saumâtres. Entre humains, le Vibrio cholerae peut se transmettre par la sueur. La bactérie est présente principalement en Afrique et en Asie. Elle ne contamine pas les animaux, mais uniquement les humains.

[11] Escherichia coli, appelée aussi E. Coli ou colibacille, est une bactérie, présente de façon naturelle dans le tube digestif de l'être humain et de nombreux animaux. Elle est en temps normal non pathogène, c'est-à-dire non responsable d'infection, mais peut le devenir dans certaines conditions. 

Dans la plupart des cas, certaines souches entrainent des troubles intestinaux à type de diarrhées, mais E. Coli peut aussi coloniser d'autres organes, notamment les voies urinaires chez la femme, à l'origine de la plus grande partie des cystites par passage des bactéries des selles émises au niveau de l'anus vers le périnée et les organes génitaux. 

[12] -En matière de qualité, le Maroc jouit, à travers l'Etablissement autonome de contrôle et de coordination des exportations (EACCE), d'une reconnaissance internationale dans le domaine du contrôle des exportations (voir Règlement (CE) No 1791/2002 de la commission des communautés Européennes du 9 octobre 2002). Cet organisme publique est chargé principalement de garantir la conformité des produits alimentaires marocains destinés à l'exportation, aux exigences réglementaires des marchés internationaux

[13]- La commission du codex alimentaire est un organisme intergouvermental de plus de 170 membres relevant du programme mixte FAO/OMS .Elle est habilité à établir les normes des produits alimentaires.

[14]- Site INFORFUIT (www.inforfui.fr) Le 17 Novembre 2008. Les Etats membres de l’union Européenne ont approuvé les propositions de la commission visant à abroger les noms de commercialisation applicables à 26 types de fruits et légumes. L’UE est également allé plus loin, les dix produits toujours normalisés (pomme, kiwi, laiterie, pêche et nectarines, poires, fraises, poivrons, raisins de tables et tomates) dont des spécimens ne correspondant pas aux normes, pourraient être vendu dans le commerce de détail pour autant qu’il soient étiquetés de manière à les distinguer des produits relevant des catégorie « Extra » « I » « CID ».

[15]- Déchet de route, désigné souvent sous le vocable de freinte de route , est toute diminution, au cours de temps, de poids ou de volume de la marchandise inhérente à la nature de celle-ci ( contrat type français pour les transports publics de marchandises par voie navigable dit « contrat à temps ». En vertu de l’article 461 du code de commerce marocain «…. le transporteur est tenu responsable de la part du manquant qui dépasse la tolérance déterminée par les usages… », lorsqu’il s’agit de choses qui, par leur nature, subissent géneralement un déchet de poids ou de volume par le seul fait du transport.

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