Pourquoi si peu de projets d’autoroutes de la mer sont lancés ?
Pourquoi pour ceux qui ont eu le mérite d’exister, ils ne peuvent survivre à la cessation de la subvention des pouvoirs publics ?
Pourquoi les volumes du trafic capté par les autoroutes de la mer restent encore en deçà du potentiel ?
Autant de questions auxquelles très peu arrivent à donner une explication convaincante.
Mais avant tout cela, commençons par le commencement, le but derrière la politique de l’UE pour encourager les autoroutes de la mer à travers notamment les programmes Marco Polo I et II, est de diminuer le nombre de kilomètres parcourus par route en faveur de plus de miles empruntés par mer et cela afin d’avoir un transport plus durable : avec la plus faible empreinte carbone possible.
Si l’idée est noble, malheureusement celle-ci a souffert d’une méthodologie et d’une pédagogie très approximative pour le moment.
Ainsi, les principaux opérateurs de la chaine logistique maritime notamment : les armateurs, les ports, les agents maritimes, ect.. ont été très opportunistes dans leur lecture de la politique des autoroutes de la mer.
Ils ont vu en celle-ci, plus une occasion de maritimiser le fret routier, que de réellement répondre au cahier des charges des autoroutes de la mer qui avait pour finalité : l’établissement de connexions maritimes intermodales porte-à-porte, fiables, efficaces, intégrés et respectueuses de l'environnement dans le cadre élargi des systèmes logistiques et des chaînes d'approvisionnement.
Ce que n’arrivent pas encore à comprendre certains opérateurs, c’est que les autoroutes de la Mer, ne sont pas venues pour opposer le transport maritime au transport routier, ni pour encourager l’un au dépend de l’autre, mais bel et bien, pour construire une intermodalité intelligente entre les deux, au service de chaines logistiques compétitives et durables.
Ainsi, lors d’un séminaire de promotion des autoroutes de la mer organisé en janvier dernier au Maroc, plusieurs responsables de ports européens, ont appelé à la création d’autoroutes de la mer entre leurs ports et ceux du Maroc avec pour objectif principal la captation du trafic TIR entre les deux rives qui atteint presque les 300.000 camions/an et cela pour le convertir en trafic maritime conteneurisé.
Malheureusement, aucun des responsables qui étaient présents, ne s’est livré à un exercice de démonstration objectif pour nous expliquer pourquoi les agrumes primeurs marocaines par exemple en partance du sud du Royaume vers perpignan en France et qui ne sont pas un fret noble, préféraient jusque-là voyager par route au lieu d’emprunter la voie maritime qui bénéficie d’un un coût de transport nettement moins cher.
Si le transport routier bénéficie encore aujourd’hui d’une demande soutenue, c’est qu’il a su répondre au mieux aux besoins des chargeurs, ce que le transport maritime n’est pas encore arrivé à faire.
Pour mieux comprendre cet état de fait, nous allons nous livrer à une petite étude des avantages comparatifs entre transport routier et transport maritime dans le cas des agrumes primeurs exportés du Maroc vers l’Europe :
- Dans le transport routier une remorque peut charger 26T, mais 90 M3 en volume, alors qu’un conteneur 40’’ s’il peut charger le même poids jusqu’à 28T, ne peut en volume dépasser les 67 M3, ainsi pour un même poids, la remorque peut charger plus de volume qu’un conteneur, l’avantage comparatif du prix de ce dernier qui est moins cher de moitié devient ainsi vite dépassé ;
- Lorsque on utilise le transport routier, la marchandise est couverte par un document de transport la CMR qui offre une indemnisation pour le chargeur de 8 DTS/KG en cas de perte de la marchandise, celle-ci est quatre fois supérieure à celle du transport maritime qui est couvert par un document de transport le connaissement maritime qui n’offre que 2DTS/kg. Pour des marchandises périssables comme les agrumes primeurs qui sont très sensibles à la détérioration, cela constitue un argument non négligeable en faveur du transport routier ;
- Le transport routier permet une plus grande flexibilité des horaires, la remorque peut rester immobilisée chez le client et dès la fin du chargement elle prend la route, au contraire du transport maritime qui a des départs fixes et ne peut tolérer des retards importants dans les départs ;
- Le transporteur routier, offre un traitement VIP à la marchandise, un ensemble routier avec un chauffeur dédié, au contraire du transport maritime qui cherche le volume sans avoir une relation privilégié avec le chargeur, il n’y a pas de suivi personnalisé du client ;
- Le transport routier, permet également une plus grande fiabilité du temps de trajet (ETA) au contraire du transport maritime qui reste tributaire de la météo.
Mais il faut avouer aussi que malgré tous ces avantages, le transport routier fait de plus en plus face à de nouveaux défis qui mettent à mal sa compétitivité notamment : l’entrée en vigueur de normes et des règlementations plus strictes surtout au niveau du contrôle du temps de conduite et les restrictions de circulation dans la plupart des pays de l’UE.
C’est pour cela qu’aujourd’hui, l’intérêt pour les autoroutes de la mer devient de plus en plus manifeste de la part des transporteurs routiers, mais à condition de changer d’approche dans leur conception. Ainsi, au lieu d’opposer transport maritime et transport routier, on doit chercher à promouvoir comment chacun d’eux pourra développer l’autre.
D’ailleurs, nous pouvons remarquer que les autoroutes de la mer qui fonctionnent le mieux sont celles qui utilisent des navires RoRo ou ConRo et qui permettent de transporter des poids lourds ou ensemble routier. Le transport maritime et le transport routier dans ces cas-là, sont complémentaires et fonctionnent en parfaite intelligence. Le client de la ligne maritime, n’est plus le chargeur mais bel est bien le transporteur routier.
Mais pour arriver à ce but, il est nécessaire de passer par des étapes intermédiaires et la formation constitue un vecteur important dans la conduite d’un changement qui doit se faire surtout au niveau des approches de chacun.
Le projet TranslogMed offre dans ce cadre un bon exemple à méditer, celui-ci consiste en le développement de formation qui peuvent être réalisées à bord de navires notamment, au profit des professionnels qui interviennent sur des chaines logistiques où les Autoroutes de la Mer et l’intermodalité peuvent devenir une alternative en termes de service, coût ou temps.
Si les autoroutes de la mer, constituent aujourd’hui, incontestablement une des solutions à privilégier pour des chaines logistiques plus durables, leur réussite passe inévitablement pour une complémentarité entre le transport routier et transport maritime.
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