Le transport de passagers par paquebots entre le Maroc et l’Europe a commencé en 1906, avant la construction du port de Casablanca. Les compagnies Paquet et Transat, aujourd’hui disparues, se sont illustrées dans ce trafic. Cependant, grâce au gain de temps procuré par l’avion, celui-ci a supplanté le paquebot dès le début des années 1960. Sur les lignes courtes, la première compagnie marocaine de transport maritime de passagers, Limadet-Ferry, a été créée en 1964 pour opérer entre le Maroc et l’Espagne. Sur les lignes longues, Comanav a surfé sur le besoin des passagers de voyager avec leurs voitures pour mettre en service en 1974 un car-ferry sur la ligne Tanger-Sète. Les car-ferries ont repris depuis une place respectable dans le trafic passager entre le Maroc et l’Europe.
PREMIERES DESSERTES DE CASABLANCA PAR PAQUEBOTS.
Les paquebots ont commencé à escaler à Casablanca dès 1906, avant la construction du port, et opéraient à partir de la rade. Les paquebots mouillaient à une distance de moins de 1 mille de la côte et des barcasses venaient accoster le long des navires pour embarquer et débarquer les passagers. On disait alors de Casablanca que c’était un « port à barcasses ». Ces barcasses en bois étaient construites localement. Elles étaient manœuvrées à la rame et avaient une capacité de chargement de 10 tonnes environ.
Les paquebots débarquaient leurs passagers sur les barcasses et celles-ci retournaient à ce qui était alors le « port » de Casablanca, un petit abri face à Bab El Marsa. Les passagers étaient « mis à terre » à dos d’homme pour leur éviter de se mouiller les pieds.
LE PORT FACE A BAB EL MARSA
DEBARQUEMENT D’UNE PASSAGERE A DOS D’HOMME.
BARCASSES ET PAQUEBOT “CHAOUIA” SUR RADE DE CASABLANCA EN 1916
CONSTRUCTION DU PORT DE CASABLANCA.
Un contrat avait été signé en 1904, sous le règne du sultan Moulay Abdelaziz, avec une société française, la « Compagnie Marocaine », pour la construction d’un port afin de permettre aux barcasses d’effectuer les opérations de chargement et de déchargement des marchandises à l’abri de la houle. La construction du port a commencé en 1907. Suite à la signature du Traité du Protectorat en 1912, le projet initial a changé de dimension surtout après la découverte des mines de phosphates de Khouribga en 1921.
Ce n’est qu’à partir de 1924 que les paquebots ont commencé à accoster à quai à Casablanca, le long de la jetée Moulay Youssef (ex- Delure) pièce maitresse du port en cours de construction. A partir de la mise en service du Môle du Commerce en 1932, les paquebots n’ont plus accosté qu’à ce quai où une gare maritime avait été construite.
VUE AERIENNE DU PORT DE CASABLANCA EN 1915
VUE AERIENNE DU PORT DE CASABLANCA EN 1924.
PAQUEBOT ACCOSTE A L’EXTREMITE DU MOLE DU COMMERCE
TRANSBORDEMENT DE TOURISTES DU PAQUEBOT SUR LE TRAIN
PAQUEBOTS DE LIGNE ET PAQUEBOTS DE CROISERE.
Les paquebots qui touchaient Casablanca au cours de la première moitié du 20ème siècle étaient des paquebots de ligne. Les paquebots tirent leur nom de l’appellation anglaise « packet boat ». Ces paquebots étaient aussi appelés « courriers » car ils transportaient le courrier postal. En contrepartie de ce transport, les armateurs bénéficiaient de concessions et de subventions de l’Etat.
Les paquebots ont connu leur âge d’or entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle, puis entre la 1ère et la 2éme guerre mondiale. Ces âges d’or coïncidaient avec l’époque des empires coloniaux européens et des grandes migrations d’Europe vers les Amériques.
Comme l’avion aujourd’hui, le paquebot était le principal, sinon le seul moyen de transport de masse des personnes. Les paquebots transportaient les passagers sur des lignes régulières bien établies comme celle reliant Liverpool à New York par exemple, d’où leur nom de paquebots de ligne par opposition aux paquebots de croisière que l’on connait aujourd’hui.
Au début des années 1920 le port de Casablanca était relié par des lignes régulières aux ports de Bordeaux, Marseille, Gibraltar, Oran et Anvers. 47.000 passagers ont transité par le port de Casablanca en 1920.
LES COMPAGNIES DE NAVIGATION « PAQUET » ET « TRANSAT ».
L’histoire des paquebots de ligne qui escalaient à Casablanca au cours de la première moitié du 20ème siècle est intimement liée à celle de deux armateurs français: La « Compagnie de Navigation Paquet » (CNP) et la « Compagnie Générale Transatlantique » (CGT).
Nicolas Paquet a fondé à Marseille en 1863 la « Compagnie de Navigation Marocaine » qui reliera à partir de cette date Marseille au Maroc, aux Iles Canaries et au Sénégal avec des cargos et des paquebots. Devenue « Compagnie de Navigation Paquet » en 1913, elle a continué à desservir Tanger et Casablanca au départ de Marseille avec des paquebots dont certains sont devenus célèbres comme le « Koutoubia » (1930-1967) qui a fait une carrière de plus de 30 ans sur cette ligne. Une place de Casablanca donnant sur le boulevard Mohamed V porte toujours le nom du fondateur de cette compagnie, Nicolas Paquet.
Les paquebots les plus connus de la Compagnie Paquet qui ont desservi Casablanca au cours du début du 20ème siècle sont : « Anfa » (à bord duquel le maréchal Lyautey a définitivement quitté le Maroc à la fin de sa mission le 10 Octobre 1925) et « Koutoubia » ainsi que ses sister-ships « Djenne » et « Lyautey ».
PAQUEBOT " MARRAKECH "
PAQUEBOT « LE CHELLA »
PAQUEBOT « KOUTOUBIA » A QUAI CASABLANCA EN 1950
PAQUEBOT “ LYAUTEY”
L’autre grand armateur qui desservait Casablanca était la « Compagnie Générale Transatlantique », plus connue sous le nom de « Transat », qui a été fondée en 1855 par les frères Pereire. La Transat a commencé à desservir Casablanca au départ de Bordeaux et de Marseille dés le début du XXème siècle.
Cette compagnie a acquis une grande renommée sur les liaisons transatlantiques grâce à des paquebots prestigieux comme « Normandie » (construit en 1935) et « France » (construit en 1960) affectés à la ligne Le Havre – New York.
Les paquebots les plus connus de la Transat affectés à la desserte de Casablanca étaient :
« Marrakech », « Meknes », « Volubilis » et « Maroc ».
Les paquebots de ligne qui desservaient Casablanca avaient une longueur comprise entre 120 et 140 mètres, une largeur de 20 mètres environ, une vitesse de 20 nœuds et une capacité de 500 à 1.200 passagers environ répartie en 4 ou 5 classes.
D’autres armateurs desservaient Casablanca par paquebots à partir de Marseille, notamment la « Compagnie de Navigation Mixte » avec « El Mansour » qui était un paquebot mixte. Les paquebots mixtes avaient l’avantage de pouvoir aussi transporter des marchandises ce qui compensait la faiblesse du trafic passagers pendant la basse saison. Les passagers recevaient généralement un meilleur traitement sur les paquebots mixtes que sur les paquebots classiques.
PAQUEBOT MIXTE “EL MANSOUR”
PASSAGERS ET TOURISTES.
Les passagers qui voyageaient sur les paquebots desservant le port de Casablanca étaient essentiellement :
Les fonctionnaires français de l’administration du Protectorat, les militaires, les colons, les commerçants ainsi que les fonctionnaires du gouvernement Chérifien, les hommes politiques français et les artistes en tournée,
Les touristes qui ont commencé à venir au Maroc dés les années 1920 attirés par les circuits touristiques conçus par les compagnies de navigation. En effet, pour attirer plus de passagers celles-ci ont conçu dès les années 1920 des circuits touristiques, notamment le fameux circuit des villes impériales marocaines.
C’est dans ce cadre que la Compagnie Générale Transatlantique avait construit les hôtels
« Transatlantique » de Casablanca (1922) et de Meknès (1927), toujours en activité, et utilisé des demeures prestigieuses comme le « Palais Jamai » à Fes et « La Mamounia » à Marrakech.
La Compagnie Paquet avait quant à elle construit les hôtels « Marhaba » dont celui de Casablanca (au pied duquel se trouvait le siège de représentation de la compagnie) et ceux de El Jadida, Safi et Agadir.
Tous les passagers n’avaient pas droit à une cabine. Les passagers de 4ème et 5ème classe voyageaient généralement dans des dortoirs aménagés dans l’entrepont et ne pouvaient accéder aux ponts pour prendre de l’air qu’à des moments déterminés de la journée. L’accès aux salons, restaurants et ponts supérieurs était réservé aux passagers des 1ère et 2ème classes.
HOTEL TRANSATLANTIQUE CASABLANCA
HOTEL TRANSATLANTIQUE MEKNES
HOTEL MARHABA ET SIEGE COMPAGNIE PAQUET A CASABLANCA
L’AVION S’IMPOSE.
Sur la ligne Marseille-Casablanca la Compagnie Paquet assurait en 1926 un départ tous les 7 jours en été et un départ tous les 10 jours en hiver.
La durée de la traversée sur la ligne Marseille-Casablanca était de 48 Heures. Sur la ligne Bordeaux-Casablanca elle était de 53 heures. On avait bien sûr plus de chance de rencontrer du beau temps sur la première ligne.
Les 2 jours et 2 nuits de traversée laissaient aux passagers du temps pour les distractions organisées par le Commissaire de Bord et pour des repas copieux qui étaient l’une des principales attractions du voyage.
En 1926, un billet de passage aller-retour en 1ère classe coûtait 1.490 francs soit l’équivalent de 10.300,00 Dirhams d’aujourd’hui et un billet de 3ème classe coûtait 702 francs soit l’équivalent de 4.800,00 Dirhams.
La concurrence de l’aviation commerciale a eu raison des paquebots de ligne à la fin des années 1960. Les paquebots desservant les lignes Casablanca-Marseille et Casablanca-Bordeaux n’arrivaient plus à attirer les passagers de plus en plus séduits par la rapidité de l’avion. Les 3 heures de vol ont triomphé des 48 heures de traversée maritime.
La première compagnie marocaine de transport maritime de passagers, Limadet-Ferry, a été créée en 1964. Elle opérait des lignes courtes entre le Maroc et l’Espagne. Sur les lignes plus longues, la possibilité donnée aux passagers de voyager avec leurs voitures a permis aux navires de reprendre de l’importance. Comanav a été la première à tirer profit du changement intervenu dans les besoins de la clientèle en mettant en service en 1975 le car-ferry « Agadir » (460 passagers, 150 voitures) sur la ligne Tanger-Sète sur laquelle la durée de la traversée n’est que de 36 heures. Le succès commercial de cette ligne a encouragé Comanav à faire construire un nouveau car-ferry, plus grand et plus luxueux, le « Marrakech » (634 passagers, 224 voitures) mis en service en 1986.
D’autres compagnies marocaines (Comarit, IMTC….) ont mis en service d’autres car-ferries sur de nouvelles lignes au départ de Tanger et de Nador et à destination des ports de Sète, Barcelone et Gênes,…Avant la pandémie de Covid-19, les navires car-ferries transportaient près de 40 °/° du trafic passager annuel.
VUE AERIENNE DU PORT DE CASABLANCA EN 1915.
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