Transport maritime : après la crise actuelle, il sera vital de ressusciter le pavillon marocain

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En cette période de crise, l'absence de pavillon maritime marocain se fait cruellement sentir. Dans l'aérien, le transporteur national a été réactif et a appliqué les consignes de l'Etat. Dans le domaine maritime, le ministère de tutelle continue de se débattre, car il ne dispose que de très peu de leviers d'action.

"L'ignorance des choses de la mer et l'absence totale de culture maritime...". C'est par ces mots que Najib Cherfaoui, expert en transport maritime contacté par nos soins, résume la cause de l'effondrement de la flotte nationale, autrefois "glorieuse".

En effet, avec 73 unités actives en 1989, le nombre de navires marocains est tombé à un total de 15 navires en 2021, tous types confondus (navires à passagers et marchandises). Il s'agit du niveau le plus bas jamais enregistré depuis 1960.

Sur ces 15 navires, il n'y a que six navires à passagers, appartenant aux compagnies FRS (1), Inter Shipping (3), Africa Morocco Link (1) et Detroit World Logistic Maritime (1), avec une capacité totale de 5.397 passagers, et 1.448 voitures.

Tous ces navires opèrent sur le détroit de Gibraltar, et ne couvrent que 10% des besoins. "Le Maroc ne dispose d'aucun navire pouvant desservir les lignes Maroc-France et Maroc-Italie, qui sont les plus demandées aujourd'hui", précise notre interlocuteur. Sur ces lignes, le trafic est donc entièrement dépendant des armateurs étrangers.

"Les symptômes d'un mal qui date de plusieurs années.

Dès lors, il est aisé de comprendre que "l'actuelle crise de retour des EMR n'est qu'un des symptômes d'un mal qui dure depuis plusieurs années : l'Etat s'est dessaisi de l'ensemble de sa flotte commerciale.

En 2005, " le Maroc avait entre ses mains la flotte qui lui fait cruellement défaut aujourd'hui. Malheureusement, en 2006, en optant pour la "pleine mer", le ministère des Transports a libéralisé le secteur maritime par une simple circulaire ministérielle.

" L'autorité de tutelle a ainsi décidé de liquider la compagnie maritime nationale Comanav, opérateur historique dont les origines remontent à 1918.

"En 2008, la crise financière est survenue. Après l'éclatement de la bulle boursière, il y eut la fameuse flambée des prix du pétrole qui franchit le seuil fatidique des 100 dollars le baril. Il en résulta une hausse des prix du carburant qui plongea l'industrie maritime mondiale dans une récession sans précédent.

" Pourtant, en 2011, le Royaume disposait d'une flotte prestigieuse de 17 navires de passagers. En 2013, le pavillon marocain a sombré dans l'indifférence générale, "le ministère de tutelle ayant observé et assisté au naufrage sans rien tenter pour sauver le secteur", rappelle M. Cherfaoui. "Heureusement, l'État a eu la bonne idée de soutenir le département aérien, malgré l'"Open Sky".

Faire revivre le drapeau marocain : " Le Maroc est capable de réussir ce défi ".

" La crise actuelle du transport maritime dédiée au retour des EMR révèle la nécessité de disposer d'une flotte stratégique, au nom des principes de sécurité, d'indépendance et de souveraineté ".

"Le Maroc est en mesure de réussir ce défi parce qu'il a réussi par le passé", estime notre expert, qui pense que "pour avoir une certaine autonomie effective, le pays doit mettre en place six navires sur les destinations France et Italie, répartis comme suit :

- navires sur la ligne Tanger-France ;

- navires sur la ligne Tanger-Italie ;

- navire sur la ligne Nador-Italie ;

- navire sur la ligne Nador -France ".

" A partir de là, le pays pourrait recourir à l'affrètement pour compléter l'offre de base ".

De plus, "ces navires ne coûteront rien au Maroc. Nous avons la chance d'avoir un marché historique. Tous les EMR reviennent traditionnellement dans le pays, principalement de France, d'Italie, de Suisse, des Pays-Bas, de Belgique, d'Allemagne, de Scandinavie et de la péninsule ibérique.

Le mécanisme d'acquisition est simple : " l'argent sera emprunté auprès des banques, avec la garantie de l'État, et le remboursement se fera sur environ 5 ans ". Malheureusement, effrayées par la dépression boursière de 2008, les banques refusent cet exercice. Elles choisissent de ne pas prendre de risques.

De plus, les ministres se succèdent dans le secteur, et aucune initiative n'a été maintenue dans ce sens. Malgré nos tentatives pour l'interroger sur le sujet, Abdelkader Amara, actuel ministre des Transports, est resté injoignable.

"La prochaine émergence ne devrait pas intervenir avant au moins 2040".

Najib Cherfaoui reste toutefois optimiste. "En interrogeant l'histoire de chacun de nos navires à moteur, nous découvrons des événements maritimes fascinants et mouvementés. Mais surtout, ce passé révèle les invariants de la flotte au fil du temps".

Il note qu'"en 135 ans, de 1886 à 2021, le système maritime du pays se distingue par trois cycles, chacun composé de trois phases : essor, grandeur, déclin.

Chaque déclin montre une remarquable capacité à se réparer. Après chaque épreuve, le système récupère ce qui a été écrasé, répare ce qui a été détruit, et remonte à la surface. La renaissance est une caractéristique permanente.

"Entre le choc et la reprise, il y a une moyenne de quinze ans. C'est l'invariant de notre système maritime. Un intervalle de trente ans sépare deux âges d'or successifs.

Par conséquent, après le traumatisme de 2006, dont le point bas se situe en 2021, la prochaine émergence ne devrait pas intervenir avant au moins 2040. Il existe toutefois l'alternative de la ramener en 2030", conclut-il.

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