Chantiers navals, c’est le moment de jeter l’ancre

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Les chantiers navals sont un créneau qui pourrait rapporter beaucoup au Maroc, mais qui demeure encore largement sous-exploité. Par chantiers navals, il faut comprendre l’ensemble des plateformes de construction ou de réparation des navires au niveau des ports. «À ce propos, une des meilleures choses que nous puissions réaliser, c’est de faire du Maroc un point d’appui pour certains pays asiatiques comme la Chine et la Corée du Sud», expose le spécialiste des «choses de la mer», le professeur Najib Cherfaoui.

 

Autrement dit, le royaume doit miser sur l’édification de chantiers permettant d’attirer les navires construits par ces spécialistes asiatiques afin que la réparation navale puisse s’effectuer sur ses côtes, au lieu que ces bâtiments ne parcourent des milliers de kilomètres pour être réparés en Asie, d’autant plus que 75% du transport maritime mondial passe à proximité des côtes marocaines. Cette position stratégique est très loin d’être rentabilisée (www.leseco.ma). «Les constructeurs de ces pays demandent à délocaliser au Maroc. Il nous suffit juste de répondre positivement à leur demande, et de savoir exploiter cette opportunité», recommande Najib Cherfaoui.

Celui-ci s'indigne d’ailleurs de «l’attentisme» dont semblent faire preuve les services en charge des affaires maritimes dans la mise en valeur du potentiel du royaume dans ce domaine. La future plateforme portuaire méditerranéenne, Nador West MED, apparaît ainsi comme «le meilleur endroit» pour offrir un refuge aux bateaux en difficulté.

Actuellement, les ports d’Agadir et de Tan-Tan sont les rares à disposer de chantiers navals en plus du port centenaire de Casablanca. On fait savoir, auprès du ministère de l’Équipement et du transport, que «l’ANP (Agence nationale des ports) procède actuellement à l’attribution de l’exploitation des infrastructures des chantiers navals au niveau des ports d’Agadir, Laayoune, et de Kénitra». Ces attributions se font «à travers des appels d’offres», poursuit-on au département d’Abdelaziz Rabbah.

Transfert de technologie

Pour ce qui est du port casablancais, les services sont assurés par les Chantiers et ateliers du Maroc (CAM), et permettent de réparer annuellement une cinquantaine de bateaux. À ce niveau, il faut souligner que la réparation navale à sec constitue le segment le plus demandé, en comparaison avec la réparation à flot.

 Les ateliers de réparations sont occupés 330 jours par an. «Nous pouvons pourtant faire le double si les efforts sont concentrés sur la constructions d’autres chantiers», lance Cherfaoui. À cet effet, il serait question de déplacer l’actuel emplacement du chantier naval du port de Casablanca. Cette option ne fait pas l’unanimité chez les spécialistes du monde maritime, certains penchant plutôt pour l’ouverture d’un deuxième chantier.

Cela s’explique, à leurs yeux, par l’importante demande et la forte pression que subit l’unique chantier existant. Qui dit chantiers navals dit construction de navires. Contrairement à ce que l’on serait tenté de croire, «le Maroc fait de la construction navale», renseigne le professeur Cherfaoui. Seulement, ce savoir-faire se limite toujours à la création de petits navires de pêche, notamment à El Jadida ou encore Larache.

Ce n'est pas encore le cas des navires plus puissants servant au transport de marchandises. Toutefois, «le Maroc peut se lancer dans la construction», affirme Najib Cherfaoui. «Le pays dispose de ressources [humaines] de valeur», ajoute-t-il. Avec la venue de constructeurs internationaux, le transfert de technologie pourrait s’opérer très rapidement.

En tout cas, cela ne peut être que bénéfique, aussi bien pour la main-d’œuvre locale que pour l’ensemble de l’industrie nationale. Cette dernière dispose en effet de sociétés capables de répondre aux besoins des constructeurs. Il reste donc juste à jeter l’ancre.

Un bombardement américain au départ

C’est suite à un bombardement américain sur le port de Casablanca en 1942 que le Maroc s’est initié aux chantiers navals. À l’époque, nous sommes encore sous le protectorat français lorsque les forces américaines lancent «L’opération Torch» qui s’est matérialisée par des frappes aériennes et maritimes sur la future capitale économique du royaume.

Au niveau du port, les dégâts sont considérables. Au moins 19 navires militaires français sont détruits. Après cette tempête de feu, il fallait tout réparer, et c’est de là qu’est née l’aventure de la réparation navale au Maroc. Ainsi, le port de Casablanca est doté d’un bassin d’armement. Les travaux démarrent en 1952 pour prendre fin deux ans plus tard.

Par la suite, et après la proclamation de l’indépendance du royaume, plusieurs études ont été lancées sur la faisabilité de la construction de chantiers navals. Cela a été notamment le cas en 1978, 1983, ainsi qu’en 1987. Toutefois, force est de constater que le côté théorique de ces études a toujours dominé l’aspect pratique. En tout cas, c’est la conclusion qui s’impose au vu du retard accusé aujourd’hui par le Maroc dans le domaine des chantiers navals.

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