Les ÉCO : Quels sont les atouts du Maroc dans le domaine des chantiers navals?
Najib Cherfaoui : Le grand avantage de la réparation navale dans notre pays réside dans la présence d’une ressource humaine qualifiée qui couvre une centaine de professions fondamentales. Son coût de main-d’œuvre est cinq fois moins élevé que dans les régions concurrentes, situées à environ une semaine de navigation du Maroc.
Je rappelle que ce secteur s’articule autour de trois nécessités : la maintenance, les visites techniques obligatoires et les grosses réparations. Les métiers de base englobent la coque, le bord et les interventions transverses.
Comment jugez-vous la politique nationale dans le domaine des chantiers navals?
Vous êtes loin de vous imaginer combien ils [ndlr, les services en charges de la politique maritime] sont ignorants. Pour masquer leur handicap, ils passent leur temps à lancer des études et à attendre les livrables afin de justifier le non-travail. Pour prolonger leur inactivité, ils procèdent à la réactualisation des études livrées. Au final, ils plongent dans un sommeil profond pendant plus de 60 ans. Par exemple, l’unique cale sèche (forme de radoub) est inaugurée en 1954, puis plus rien ne sera construit jusqu’à aujourd’hui, à l'exception de quelques portiques à sangles pour sauver les apparences.
Pouvez-vous revenir sur les études qui ont été lancées?
En 1976, ils déclenchent une étude au titre pompeux qui reste sans suite, «Étude préliminaire pour l’aménagement des chantiers navals et la détermination des moyens de hissage adaptés aux besoins du port de Casablanca». En 1978, ils organisent une étude intitulée «Construction et réparation navales dans les pays du Maghreb - situation et perspectives»; en 1983, ils se mettent en situation d’attente en programmant une «Étude de faisabilité pour la réparation navale au Maroc». En 1990, ils s’activent autour d’une «Étude sur l’implantation d’un dock de 4.500 tonnes pour le port de Casablanca». En 1994, ils s’offrent un répit de deux ans en lançant «l’Étude de réaménagement de la cale de halage du port de Casablanca» puis, de 1997 à 2000, ils passent leur temps à réactualiser ces études pour les noyer à partir de 2001 dans les différentes variantes de ce qu’ils appellent le «Plan directeur portuaire national». C’est évidemment une énorme erreur. Enfin, en 2007, comme par enchantement, ils se réveillent pour délocaliser (c’est-à-dire démolir) le «chantier naval du port de Casablanca» réalisé en 1954, avec en arrière-plan une étude de circonstance pour justifier et légitimer cette opération. Il est maintenant clair qu’il n’y a pas de politique à juger car, comme je viens de le démontrer, il n’y a pas de politique nationale dans le domaine des chantiers navals.
On imagine que les autres pays, notamment ceux du pourtour méditerranéen, sont actifs. Pouvez-vous nous faire une cartographie des chantiers navals sur le plan mondial?
Pour s’en tenir à la réparation navale des navires de commerce, disons qu’il y a au niveau de la planète exactement 995 chantiers. Dans la sphère d’influence du Maroc on compte 154 chantiers navals. Il y en a 69 en Méditerranée occidentale (France, Italie, Malte), 64 au niveau de la péninsule ibérique (Espagne, Portugal, Gibraltar), 7 au Maghreb hors Maroc (Algérie, Tunisie) et 14 dans l’ouest de l’Afrique (Canaries, Cap Vert, Sénégal, Côte d’Ivoire, Ghana, Nigeria, Cameroun, Libéria, Congo).
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