Du fait de l’accroissement du volume des échanges internationaux et de la complexité que peut revêtir l’organisation d’un transport international de marchandises, de plus en plus d’entreprises ont recours aux services des commissionnaires de transport en leur qualité « d’organisateur de transport de marchandises de bout en bout ».
Les entreprises y trouvent en effet un intérêt aussi bien économique que juridique :
- Un intérêt économique dans la mesure où elles sont totalement déchargées de tout souci organisationnel du transport des marchandises qu’elles souhaitent expédier, le commissionnaire devenant ainsi « leur interlocuteur unique ». Elles bénéficient en outre de l’expertise du commissionnaire de transport des spécificités du marché du transport ;
- Un intérêt juridique puisque le commissionnaire de transport sera responsable du déplacement de la marchandise depuis son lieu d’expédition jusqu’à son lieu de livraison.
Dans le contexte actuel de la crise sanitaire du COVID19, les commissionnaires de transport de marchandises, en tant que responsables de la chaine logistique, se trouvent actuellement confronter à une problématique récurrente majeure, celle de la livraison des marchandises qui ne peut avoir lieu dans « les conditions habituelles ».
Deux principales situations ressortent, selon les constats avancés par les professionnels du métier et notamment de l’Association des Freights Forwarders du Maroc (AFFM) à travers son président Monsieur Rachid TAHRI :
- Soit le destinataire des marchandises, tel que désigné dans les documents de transport, n’est pas en mesure de prendre livraison de la marchandise en raison de la fermeture temporaire de l’entreprise ;
- Soit certaines entreprises refusent, purement et simplement, de décharger les marchandises et d’en prendre livraison pour éviter toute propagation du Coronavirus sur leur personnel.
Quels types de précautions le commissionnaire de transport devra alors adopter pour ne pas voir sa responsabilité contractuelle engagée dans de telles situations ?
Rappelons qu’en application de l’article 430-3 du code de commerce « Le commissionnaire qui se charge d'un transport de marchandises est garant de l'arrivée des marchandises et effets dans le délai déterminé par les parties (…).
L’article 430-4 Code de Commerce ajoute également que « le commissionnaire qui se charge d'un transport de marchandises est responsable vis-à-vis de son commettant, à partir de la réception de la chose à transporter, des avaries ou de la perte totale ou partielle des marchandises et effets jusqu'à sa remise à son destinataire (…)».
Il ressort des dispositions des articles combinés précités que le commissionnaire de transport sera responsable de l’acheminement des marchandises depuis leur prise en charge jusqu’à leur livraison.
On entend par livraison la remise physique de la marchandise au destinataire ou à son représentant qui l'accepte.
Ainsi à partir de la livraison de la marchandise, il s’opère un transfert de risque et de responsabilité du commissionnaire de transport vers le destinataire des marchandises.
En revanche si le commissionnaire de transport n’a pas été en mesure de livrer la marchandise, celle-ci restera sous la garde du commissionnaire de transport ou de son substitué et le commissionnaire restera alors responsable de la marchandise puisque son obligation de livrer la marchandise n’aura pas encore été réalisée.
Aussi, si le commissionnaire est dans l’impossibilité de livrer la marchandise, du fait du destinataire des marchandises, le commissionnaire peut selon les cas adopter les mesures suivantes.
La première mesure, qui est fortement conseillée, sera de prendre attache avec son donneur d’ordre et lui demander toutes instructions écrites utiles si le destinataire des marchandises refuse de prendre livraison de la marchandise pour quelque cause que ce soit.
Le commissionnaire de transport est en effet tenu d’informer le donneur d’ordre sur les différentes étapes relatives à l’acheminement des marchandises sous peine d’engager sa responsabilité personnelle.
Compte tenu du contexte particulièrement sensible lié à la crise sanitaire actuelle, il est recommandé d’obtenir des instructions écrite set ce, pour des questions probatoires.
Ainsi en cas d'empêchement à la livraison, du fait du destinataire (absence du destinataire, inaccessibilité du lieu de livraison, refus par le destinataire de prendre livraison), tous les frais supplémentaires engagés pour le compte de la marchandise devraient rester en principe à la charge du donneur d'ordre, sauf en cas de faute du commissionnaire de transport ou de son substitué.
Etant donné que la question des frais liés aux défauts de livraison n’est pas clairement définie par les textes il est conseillé aux commissionnaires de transport de s’assurer, avant l’exécution de la prestation, que leur donneur d’ordre accepte expressément de prendre en charge tous les frais liés à « tout empêchement à la livraison » ou en « cas de refus ou défaillance du destinataire de prendre livraison des marchandises ».
Cet accord peut se formaliser par l’acceptation du donneur d’ordre via sa signature des conditions générales de ventes du commissionnaire de transport prévoyant dans ses dispositions un article spécifique relatif aux « empêchements à la livraison, refus ou défaillance du destinataire » qui rappellerait qu’en cas « d'empêchement à la livraison (absence du destinataire, inaccessibilité du lieu de livraison, refus par le destinataire de prendre livraison, etc.), tous les frais supplémentaires engagés pour le compte de la marchandise resteront à la charge du donneur d'ordre ».
A défaut de l’existence de conditions générales, le commissionnaire de transport pourra, au moment de la réception de l’ordre de transport, solliciter du donneur d’ordre son accord express quant à la prise en charge de ces frais.
Le donneur d’ordre pourra ainsi donner son accord par la signature d’une simple attestation émanant de son représentant légal ou en signant un contrat de commission de transport contenant une clause similaire à celle précitée.
Ainsi si le commissionnaire, dans le cadre de son obligation de sécurité, serait amené à conserver la marchandise en attente des instructions de son donneur d’ordre dans le cas où la marchandise ne serait pas en mesure d’être livrée, tous les frais de stockage seront répercutés sur le cocontractant du commissionnaire de transport au titre du contrat de commission de transport.
Le commissionnaire de transport devra en outre informer son substitué de toutes mesures communiquées par son donneur d’ordre dans le cadre de cette situation, le commissionnaire de transport étant en effet garant de ses substitués en application des dispositions de l’article 430-5 du code de commerce.
Ainsi en cas de refus ou d’absence du destinataire des marchandises ayant pour effet d’empêcher la livraison de la marchandise, si le commissionnaire de transport est en mesure de justifier (i) qu’il a demandé toutes instructions utiles à son donneur d’ordre pour la suite à réserver aux marchandises (ii) qu’il a pris toutes les mesures utiles pour conserver la marchandise en attente des instructions de son donneur d’ordre, il pourra garantir sa responsabilité.
Il pourra en outre invoquer également les causes d’exonérations légales du transporteur prévues par les dispositions de l’article 459 du code de commerce applicables également au commissionnaire de transport en application de l’article 430.4 du code de commerce.
Le commissionnaire de transport pourra ainsi être « déchargé de toute responsabilité » s'il prouve que la perte ou les avaries des marchandises ont été causées (…) « par le fait ou les instructions de l'expéditeur ou du destinataire ».
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