EVER GIVEN VS CANAL DE SUEZ

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Je fais la leçon à l’Administration et aux Assurances ; à travers la mésaventure « Ever Given », j’expose la notion d’évènement de mer, puis j’explique comment analyser un incident de ce type, et enfin, je fais la morale en attirant l’attention de bien garder à l’esprit que ça n’arrive pas qu’aux autres. Quand je dis Administration, je pense uniquement à Oued Rmel et au futur Nador West Med.

Pour le lecteur pressé, j’annonce le résultat : Cet évènement de mer est en relation directe avec la vitesse du navire.

Pour le lecteur moins pressé, je livre le résumé suivant : L’entrée Sud du canal de Suez se compose d’un arc de cercle de 30° le long duquel le navire « Ever Given » accélère faisant passer sa vitesse de 9 nœuds à 13,7 nœuds. De ce fait, à la sortie de la courbe, il a eu tendance à frôler la rive Est. En cherchant à rattraper cette dérive, le navire effectue une manœuvre qui le déporte vers le côté opposé (Ouest) où il se trouve confronté au même péril. Dans une ultime tentative, le navire redresse la barre, ce qui le reconduit tout droit en direction de la rive Est. Il s’encastre alors violemment dans le talus de la berge. Tout le monde connaît la suite.

Voici maintenant l’exposé circonstancié :

Je donne les horaires en GMT (Temps moyen de Greenwich).

Nous sommes le mardi 23 mars 2021, en rade de l’entrée Sud du canal de Suez. La visibilité est excellente. Toute la nuit et jusqu’à 10h du matin, le vent souffle à 40 km/h (force 6) avec des rafales de force 8 (70 km/h).

Un convoi composé de 18 navires se trouve au mouillage dans un rayon de dix milles nautiques. Ever Given est le troisième de la liste. En raison des prévisions météo, le gazier qatari Rasheeda (opéré par Shell) préfère surseoir à la traversée.

On choisit de démarrer l’entrée à marée haute ( + 1,56 m), c’est à dire à 5h précises. Les instructions sont données à 2h (numéro d’ordre de la liste et réduction des maillons). À 4h, deux pilotes montent à bord. À l’heure fixée, le convoi s’engage dans le canal. En tête, il y a deux porte-conteneurs de grande taille, Al Nasriyah (14 500 evp), suivi de Cosco Shipping Galaxy (21 000 evp) ; chacun d’eux est assisté par un remorqueur (resp. Mosaid 2 & Mosaid 3). Ces deux unités l’ont échappé belle ; ils parviennent à continuer leur voyage, respectivement à destination de La Spezia et de Felixtowe.

À 5h 15mn, Ever Given pénètre dans le canal avec une vitesse de 9 nœuds. Il accélère pour franchir les 6 km de la courbe qui caractérise cette zone du canal. Sa vitesse passe ainsi de 9 nœuds à 13,7 nœuds. De ce fait, à la sortie de l’arc, le navire a tendance à frôler la rive Est. En cherchant à rattraper cette dérive, il effectue une manœuvre qui le déporte vers le côté opposé (Ouest) où il se trouve confronté au même problème. Dans une ultime tentative, le navire redresse la barre en urgence, ce qui le reconduit tout droit en direction de la rive Est. Il tombe de Charybde en Scylla. À 5h 42mn 30sec, le bulbe du navire percute de plein fouet le bord Est du canal. En l’espace de 10 secondes, le talus encaisse ainsi une énergie équivalente à 4 gigajoules. Ce choc colossal vitrifie les sables de la berge et génère un immense effet ventouse qui immobilise la coque du navire. Ces deux phénomènes expliquent en particulier les difficultés rencontrées pour la remise en flottaison.

Voilà, la leçon est terminée.

Il est important de souligner que ce rapport est redevable de manière substantielle au comité de veille maritime, notamment au fameux Commandant Mohamed Zeroual et aux lauréat de l’Ecole Hassania des Travaux Publics (EHTP/Géotechnique). Ils font honneur à l’esprit marin du Maroc.

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