Un Outlet dans le nord du Maroc pour remplacer Sebta ? Difficile sans avantages fiscaux

Cette nouvelle zone commerciale, qui ressemblera à celle de l'enclave de Sebta, comprendra des espaces de loisirs, des restaurants, et verra l'installation de plusieurs leaders mondiaux du prêt-à-porter, de la restauration, ou de l'ameublement comme le cas du géant suédois IKEA qui a déjà acquis une surface de plus de 3 ha, dont la construction est en cours.

Avec l'ambition de remplacer progressivement l'enclave de Sebta et ses points de vente, le développement de cette nouvelle zone entre M'diq et Tétouan permettra à toute la région de sortir de la crise économique qu'elle traverse depuis un moment.

Mais cet Outlet du Nord pourra-t-il concurrencer celui de Sebta, sachant que les Marocains qui se rendent dans la présidence occupée le font d'abord pour le shopping et les articles de qualité à prix très réduits, puis pour le climat européen ou encore les terrasses des restaurants où ils peuvent siroter leur " drink " tranquillement.

Joint par MoroccoLatestNews, Driss Effina, professeur à l'Institut national de la statistique et de l'économie appliquée et président du Centre indépendant d'analyses stratégiques, estime que "cette zone commerciale peut réussir, mais à plusieurs conditions. La première : qu'elle soit déclarée zone à fiscalité réduite. Sinon, elle pourrait se solder par un échec ". Comment ? Ou quoi ?

Déclarer la zone comme fiscalement réduite

Selon notre interlocuteur, " Sebta bénéficie d'un certain nombre d'avantages fiscaux, notamment d'une fiscalité réduite. Et ces avantages permettent aux commerçants de payer moins d'impôts et donc de baisser leur prix. C'est pourquoi nous trouvons les articles à des prix imbattables ". Raison pour laquelle les Marocains de Casablanca, Rabat, Marrakech se rendent à Sebta pour acheter des produits de bonne qualité et moins chers ".

C'est ce qu'on appelle " la question fiscale "poursuit le Pr Effina, qui fait partie du groupe qui a conçu la proposition de cette zone commerciale nord, dans le cadre du plan régional d'aménagement du territoire de la région Tager-Tétouan-Al Hoceima.

" Nous avons déjà fait une étude comparative entre Sebta à l'époque et Fnide'q, et nous avons constaté qu'il y a un problème avec tout ce qui est produit qui arrive de Chine et d'autres zones qui bénéficient de réductions importantes en termes de droits d'importation dans cette zone et d'avantages comme la réduction des taxes. Donc ces produits sont vendus à des prix imbattables ".

Et c'est là que le Prof. Effina suggère de " déclarer cette zone fiscalement réduite et cela doit être fait avant même le début de son développement. Sinon, nous n'en tirerons rien puisque les produits qui débarqueront dans cette zone seront les mêmes que ceux vendus à Casablanca. Et nous savons tous que l'influence de la métropole est plus forte que celle du Nord", note l'analyste.

De son côté, l'objectif stratégique de l'Espagne était de conserver cette zone de Sebta même si cela lui coûte un peu plus sur le plan fiscal, tout simplement parce qu'elle connaît une activité importante tout au long de l'année, indique l'analyste, qui note que les Marocains ont participé durant toutes ces années au dynamisme de Sebta, puisqu'ils s'y rendent tous les jours pour faire leurs courses ou passer leurs vacances.

Pour pouvoir offrir des prix attractifs aux consommateurs marocains à cet Outlet Nord, le Pr Effina estime que les produits qui y arrivent doivent bénéficier d'une certaine réduction en termes de droit d'importation, de réduction en termes d'IR et d'IS, afin que nous puissions réaliser cette réduction de prix sur les produits et articles qui peut aller jusqu'à 2o à 30%. "A ce moment-là, cela peut être intéressant pour le consommateur marocain qui cherche une bonne qualité avec un bon prix", argumente l'analyste.

Le Nord du Royaume, une région économiquement sinistrée

Hormis la ville de Tanger, qui abrite une zone franche et connaît une dynamique économique importante, la région du Nord est moribonde depuis des années déjà et les hommes d'affaires la quittent en masse pour s'installer dans le centre du Royaume, observe l'analyste.

" L'objectif de ce projet est justement de créer une nouvelle dynamique économique dans la région nord, qui souffre déjà. Si elle ne réagit pas, elle sera tuée et tout le monde quittera M'diq d'ici cinq ans. Il n'y aura plus personne pour y vivre", observe le Pr Effina.

L'analyste rappelle ainsi que l'Etat marocain et le secteur privé ont beaucoup investi sur l'ensemble du littoral, allant de M'diq à Martil. Il évoque ainsi les nombreux établissements touristiques et les résidences construites en masse tout au long de la côte et qui peuvent être habitées tout au long de l'année. Mais il faut d'abord qu'il y ait des éléments d'attraction dans la région pour que les gens s'y installent, souligne le Pr. Effina.

" Tant que l'infrastructure existe, plusieurs projets ont été proposés pour faire bouger la région tout au long de l'année, notamment l'organisation de plus de congrès, d'expositions, de foires ainsi que d'activités sportives et culturelles. ", a recommandé le Pr Effina.

Il a également cité en exemple un modèle italien, la ville de Bari, qui est une ville similaire à celle de M'diq avec les mêmes caractéristiques et qui est située sur la côte adriatique.

" Pendant l'été, cette ville italienne se porte bien. Mais pendant l'hiver qui connaît un calme touristique, les dirigeants de la ville ont décidé d'organiser beaucoup de congrès et de foires pour faire bouger la région. Et j'ai été surpris de voir que pendant l'hiver, les hôtels étaient pleins", nous a-t-il confié.

En somme, le professeur Effina estime que le succès de cette nouvelle zone commerciale dans la région du Nord est étroitement lié à la réduction des charges fiscales, afin qu'elle puisse atteindre le résultat et l'objectif escomptés.