C’est un scandale en devenir, la configuration retenue pour la réalisation du nouveau chantier naval du port de Casablanca porte en elle tous les éléments pour en faire un vrai dossier sur lequel soit le parlement ou la cour des comptes vont se pencher pour dilapidation de deniers publics.
Un peu d’Histoire….
Mais avant cela, il faut avouer que la nécessité de doter le Royaume d’une vraie infrastructure portuaire de réparation navale a été une demande lancinante de l’ensemble des opérateurs depuis des années.
La seule zone chantier navale du Maroc avec des moyens de mise à sec pour des unités de plus de 400 T n’existe qu’au du port de Casablanca, mais celle-ci ne répond plus ni aux besoins de la flotte de part son étroitesse 120x20m, ni de part sa capacité de traitement limitée (au Max 10 navires/an), ni du fait enfin de la sécurité, puisqu’elle a connu deux incidents majeurs en 2014 et 2013.
Malgré toutes ces raisons objectives pour la réalisation d’un nouveau chantier naval au port de Casablanca depuis des années, ce n’est qu’à la faveur du Mégaprojet de Wessal port de Casablanca lancé par le Souverain en 2014 que les autorités se décident enfin à lancer les travaux de celui-ci et sortent des cartons les plans d’une étude qui a été réalisée en 2007 pour le transfert de la zone chantier navale de son emplacement actuelle vers celui de Oukacha.
L’étude réalisée par le cabinet Valyans en 2007, a retenu un scénario d’une nouvelle zone chantier navale avec trois moyens de mise à sec :
-Une cale sèche de 240 ml de longueur et 40 ml de largeur
-Une plateforme élévatrice de 5000T
-Une darse pour portique à sangle de 300T
L’étude a ainsi proposé une configuration de la nouvelle zone chantier navale qui n’élimine aucune option et laisse le maitre d’ouvrage entamer les travaux de la nouvelle infrastructure soit en construisant les trois moyens de mise à sec en même temps, soit de le faire d’une manière progressive selon les opportunités du marché.
Jusque là, le projet avançait selon une logique cohérente et c’est dans ce cadre que l’ANP avait lancé en novembre 2012 un AMI pour la réalisation et l’exploitation du nouveau chantier naval du port de Casablanca.
Mais au vue de la crise que vit le secteur du transport maritime au niveau mondial en général depuis 2008 et le secteur de la réparation navale en particulier, l’ANP n’a reçu que deux réponses à l’AMI, l’une des Chantiers et Ateliers du Maroc (CAM) et la seconde d’un investisseur étranger.
Les deux offres, insistaient sur le fait que la construction d’une telle infrastructure portuaire aussi couteuse que celle d’un chantier naval devait être prise en charge par l’Etat, alors que sa gestion pouvait revenir au privé dans le cadre d’une concession, de même, la composante plateforme élévatrice retenait plus l’intérêt des investisseurs par rapport à la cale séche.
Et Wessal Port de Casablanca vint
L’année 2014, allait marquer un point d’inflexion pour le projet, puisqu’en avril dernier sous la présidence effective de Sa Majesté le Roi Mohammed VI une convention de transfert de la zone chantier navale du port de Casablanca allait être signée entre l’ANP et le fonds d’investissement Wessal Port de Casablanca avec une mise de ce dernier de 500 MDHS pour la réalisation du projet.
Un premier appel d’offres est lancé par l’ANP en Octobre 2014 pour la construction du nouveau chantier naval pour un budget de 690 MDHS. Dans les documents de l’appel d’offres, on découvre que l’ANP privilégie la réalisation de l’infrastructure de la cale séche en premier et de laisser le développement de la plateforme élévatrice à plus tard.
Le scénario de l’ANP provoque aussitôt une levée de bouclier chez les professionnels, le développement de la plateforme élévatrice en premier semble un scénario plus réaliste et opportuniste par rapport à la conjoncture actuelle, il aurait en plus l’avantage de nécessiter moins de temps pour sa construction et coûter nettement moins cher en argent que la construction de la cale sèche qui va mobiliser à elle seule 350 MDHS du budget.
De même, dans la configuration actuelle retenue par l'ANP pour la construction de la cale sèche, le quai de réparation des navires à flot est attenant à l'entrée de la cale sèche, ce qui est une totale aberration que les concepteurs de la cale sèche actuelle du port de Casablanca et qui date de 1954 n'ont pas commise.
Au niveau mondial la tendance des exploitants des chantiers de réparation navale s’orientent de plus en plus vers les plateformes élévatrices au lieu des cales sèches.
Mais dans une logique suicidaire l’ANP a retenu pour le développement de la nouvelle zone chantier navale, la configuration la plus défavorable pour les futurs operateurs, faisant ainsi fit des résultats de l’AMI de 2012 mais surtout elle a choisit de débourser encore plus d’argent dans son scénario de cale sèche, puisqu’après avoir déclaré le premier appel d’offres à 690 MDHS infructueux en octobre 2014, elle a lancé un second appel d‘offres pour les mêmes travaux qu’elle a adjugé finalement à 830 MDHS soit 140 MDHS de plus que ce qui était prévu.
Une triste fin pour un projet ambitieux
Aujourd’hui, la plus grande gabegie n’est pas tant celle de cet argent public qui va être jeté par les fenêtres, mais c’est celle de cette future zone chantier navale, qui après sa construction devra générée un minimum d’activité rentable pour son exploitant et pour le port. Mais, avec la configuration retenue par l’ANP ce projet semble mort-né.
Il est évident, que dans un Maroc qui avance résolument vers la modernité et la mise en œuvre du principe de réédition des comptes pour ces responsables, à l’exemple du Ministre de la jeunesse et des sports Mr OUZZINE ou du patron de la CGD Mr ALAMI, l’affaire du nouveau chantier naval du port de Casablanca éclatera au grand jour le moment venu, mais dés maintenant nous en prenons acte pour l’avenir.
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