EN CAUSE, UNE FLAMBÉE DES ALIMENTS POUR BÉTAIL
70% DE LA HAUSSE IRA AUX ÉLEVEURS
UNE RENCONTRE AVEC LE GOUVERNEMENT PRÉVUE LA SEMAINE PROCHAINE
Copag, la coopérative qui produit la marque Jaouda, a été la deuxième à augmenter les prix de son lait. Moulay M'hamed Loultiti, président, explique les facteurs qui ont conduit à cette hausse, inévitable selon lui. Une décision qui a provoqué bien des réactions chez le gouvernement et les consommateurs. Une réunion entre les opérateurs et la tutelle est programmée pour la semaine prochaine…
- L’Economiste: Qu’est-ce qui justifie la dernière augmentation des prix du lait?
- Moulay M'hamed Loultiti: La première cause est sans équivoque l’augmentation fâcheuse sur le marché mondial des prix des matières premières qui rentrent dans l’alimentation animale. L’alimentation représente jusqu’à 65 à 70% dans le coût de production du lait. L’essentiel de ces matières, notamment le soja, le tournesol, le colza et le maïs sont importés. Depuis 2007, les cours mondiaux ont été multipliés plusieurs fois jusqu’à atteindre des niveaux insupportables. Cela a conduit à une diminution de la production du lait au Maroc. Plusieurs agriculteurs ont réduit leur cheptel à cause de l’érosion des marges. Ainsi, cette hausse a pour objectif d’augmenter les prix reversés aux éleveurs pour les maintenir en activité. Le deuxième facteur réside dans l’augmentation du coût de l’énergie qui impacte le transport, l’emballage et tous les composants qui rentrent dans la fabrication du lait et de ses dérivés. Les marges ont tellement diminué que les opérateurs désertent le secteur. Le choix était soit d’ajuster les prix pour maintenir la production, soit d’importer du lait et être à la merci du marché mondial. D’autant plus que le lait en poudre connaît une véritable flambée.
- Est-ce que la décision a été prise en concertation avec le gouvernement?
- Le prix du lait a été libéralisé depuis 1993. Il est uniquement fixé par les lois du marché. Le gouvernement nous a contactés pour une rencontre qui aura lieu la semaine prochaine. Nous sommes en train de préparer une courbe d’évolution des matières premières sur une longue période pour justifier notre décision.
- Cette hausse quasiment simultanée chez tous les opérateurs ne pose pas des problèmes de concurrence?
- La hausse ne s’est pas faite en même temps. Le premier opérateur à avoir augmenté ses prix est Centrale Laitière. Jaouda a suivi après 2 ou 3 jours ainsi que les autres opérateurs. Il est difficile qu’un seul opérateur augmente ses prix. Nous sommes des concurrents et notre relation est loin d’être bonne. Il est impossible de parler d’entente dans cette situation. La pression des éleveurs s’exerce sur les transformateurs.
- Concrètement, comment les éleveurs vont être impactés?
- 70% de cette augmentation ira aux agriculteurs et 30% pour couvrir les augmentations qui ont eu lieu au niveau de la transformation. Pour Copag, nous achetions le lait à 4,10 DH en plus des primes de qualité qui font que le prix avoisine 4,35 DH. Malgré le fait que nos prix soient les plus élevés, les éleveurs ont diminué les livraisons. Il faut reconnaître que les conditions de production dans le Sud sont difficiles à cause de la rareté de l’eau. Avant de prendre cette décision nous savions que le pouvoir d’achat du consommateur allait être touché, mais l’éleveur ne peut plus supporter à lui seul cette hausse du coût de production. Nous étions quasiment forcés d’augmenter le prix. Les associations de protection du consommateur ne sont pas dans le tort et nous sommes ouverts à toutes formes de mesures compensatoires pour corriger cette situation.
- Est-ce que cette hausse des matières premières a réellement réduit la production nationale de lait?
- L’année où il y a eu une sécheresse, la production a été réduite. Pour Copag, durant deux années consécutives, nous avons enregistré une baisse de 50 tonnes par jour par rapport aux années précédentes. Nous essayons d’encourager les éleveurs à augmenter le cheptel mais ils n’arrivent plus à suivre.
- Dans quelle mesure l’exonération fiscale de l’agriculture rentre en considération dans cette décision?
- Nous subissons une TVA de 20% sur les dérivés du lait qui est un fardeau très lourd. Cette TVA n’est pas récupérée vu que la matière première n’est pas soumise à la TVA. Nous récupérons à peine 25% de la TVA payée, le reste est perdu. Rien que notre coopérative reverse plus de 100 millions de DH par an entre la TVA et l’IS avec une dominance de la TVA. Il y a eu plusieurs discussions à ce sujet sans qu’une décision ne soit prise.
- Quelles sont les autres difficultés du secteur?
- Notre activité est tributaire des changements climatiques. Le cheptel est fortement touché pendant les années de sécheresse. L’année dernière, la motte de paille a atteint les 50 DH et toutes les autres matières ont augmenté à l’international. Cette année agricole a été meilleure, ce qui a réduit le prix de la paille mais elle ne représente pas beaucoup dans le coût de production. Ce qui pèse lourd, c’est le tourteau de soja, de colza, de tournesol, le maïs, l’orge et le DDGS (drêche sèche de maïs). Tous ces produits sont importés.
- Quel bilan dressez-vous du déploiement du plan Maroc Vert pour la filière laitière?
- Pour l’élevage, il y a des subventions pour les génisses produites mais le nombre de bénéficiaires reste très réduit. La procédure n’est pas encore suffisamment organisée. Il y a également un soutien à l’investissement. Cependant, ces efforts sont contrés par les hausses des facteurs de production. Il y a une véritable instabilité des prix des équipements.
Par leconomiste
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