Boughaz max : le nouveau paradigme

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Résumé : Dans les océans, aucune réglementation n'impose de limite de taille ; « Boughaz max » est une alerte à la fois sur la longueur des convois et la longueur des navires qui traversent le Détroit de Gibraltar.

Le mardi 23 mars 2021, tôt le matin, l’immobilisation accidentelle de l’immense porte conteneur Ever Given bloque le canal de Suez. Il s’ensuit un embouteillage monstre qui inquiète profondément les opérateurs des lignes Est-Ouest.

Tout le monde a suivi le feuilleton de ce drame heureusement maîtrisé.

On pourrait espérer que cet évènement serait annonciateur de la fin du gigantisme naval. Il n’en sera rien, car dans les océans, aucune réglementation n'impose de limite de taille, aussi bien pour les navires de charge que pour les navires à passagers.

En conséquence, les chantiers navals continueront à être guidés par la devise « Grand, Plus grand, Le plus grand ». Ainsi, le Chinois Hudong Shipbuilding prévoit des capacités de 25 000 evp, et compte lancer des géants de 30 000 evp à l’horizon 2030 (Hudong-Zhonghua Shipbuilding Group Co). Il s’ensuit une gravité accrue en cas d’incendie ou de collision, notamment par météo extrême.

Cela dit, le paradigme classique de type Suezmax, Malaccamax ou Panamax est en relation avec la largeur et le tirant d’eau. À 24 mètres de profondeur, le canal de Suez est similaire au détroit de Malacca. La contrainte pour le commerce Est-Ouest à ce stade est non pas l’ingénierie navale, mais plutôt l’ingénierie des fonds marins qui relève essentiellement de la science géotechnique.

Pour de Détroit de Gibraltar, la question est différente.

Pour comprendre de quoi il retourne, je rappelle que le Détroit est découpé en trois bandes d’égales largeurs. D’abord, au milieu, il y a le couloir international, divisé lui-même en deux voies à sens unique ; l’une au Sud pour entrer en Méditerranée et l’autre au Nord pour en sortir ; puis, de part et d’autre, se trouvent deux zones réservées à la navigation côtière.[1]

Comme 300 navires empruntent quotidiennement ce passage, la course au gigantisme fait planer la menace potentielle d’un carambolage consécutif à une file de 3 à 4 navires ayant une longueur avoisinant 400 mètres. Ce risque est majeur au droit de Oued Rmel, partie la plus étroite, car le régime des houles y est atlantique. De plus la permanence de courants et de vents alternatifs rend la navigation difficile.

Dès lors, il devient d’actualité de mettre en place un paradigme appelé « Gibraltar max ou Boughaz max » fondé sur la taille des navires. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il n’est pas question ici du classique vessel traffic system (Surveillance de la navigation maritime) : il s’agit essentiellement de sensibiliser la communauté internationale des armateurs aux efforts et aux risques pris en charge par le Maroc pour faire face à l’impact du gigantisme sur le Détroit de Gibraltar.

Dans une résilience à venir, il faut instituer le Conseil maritime national. Il aura pour mission, entre autres, de positionner le pays dans une dynamique inclusive afin de défendre, préserver et mettre en valeur les acquis maritimes du pays.

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[1] Agréée par l'OMI (organisation maritime internationale), la convention COLREG (collision régulation) date de 1972. Elle est entrée en vigueur en 1977. Elle établit les règles internationales de navigation et consacre les dispositifs de séparation du trafic (DST). L’objectif consiste à prévenir les abordages dans les détroits. En ce qui concerne le détroit de Gibraltar, le dispositif est adopté le 3 décembre 1996 et appliqué depuis 3 juin 1997. Il établit une zone de séparation de 0.5 mille de large. Au nord de cette zone s'organise la voie de circulation accueillant le trafic en direction de l'Ouest tandis que celui de l'Est se situe au sud.

 

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