La freinte de route peut se définir comme « Une tolérance de perte inhérente à la nature de la cargaison transportée ». Cette perte naturelle se matérialise par une diminution en volume ou en poids de la cargaison transportée pendant le voyage du fait de la dessiccation, évaporation ou dispersion due à sa nature.
La freinte de route figure parmi les exceptions du principe de la ‘’présomption de responsabilité’’ dont bénéficie le transporteur maritime couvrant la période durant laquelle la cargaison se trouve sous la garde du capitaine du navire depuis le moment où ce dernier reçoit les marchandises à bord au port de chargement jusqu’au moment où il en effectue la livraison sous palan directement au destinataire concerné ou en remettant ces dernières à une autorité / autre tiers auquel elles doivent être remises conformément aux lois et règlements applicables au port de déchargement. (Art 218 du code de commerce maritime et art 4 de la convention d’Hambourg).
Les éléments à prendre en considération dans la détermination de la freinte de route sont comme suit ;
- De prime abord, il est primordial de faire appel à un expert maritime spécialisé dans le chargement/déchargement ou biologiste de préférence ;
- La durée de voyage ;
- Les spécifications du navire (âge, système de ventilation des cales……) ;
- Vérifier si des scellés avaient été posés sur les panneaux de cales au port de chargement ou pas ;
- La comparaison entre le taux de l’humidité figurant dans le certificat de qualité émis au port de chargement et le taux figurant dans les résultats d’analyses effectuées par les services de l’ONSSA au port de déchargement en vue de déterminer une éventuelle diminution de volume ou de poids de la cargaison, bien que les navires de nouvelle génération sont équipés d’un système de ventilation continue habilitant la conservation de la cargaison en réduisant le processus de l’évaporation pendant la traversée ;
- Distinguer la freinte de route due à la nature de la cargaison des pertes occasionnées par le manutentionnaire sous palan (dans le bassin, sur le quai, sous la trémie suite à la surcharge des camions du réceptionnaire et entre le quai et la balance de pesage). Souvent, les tribunaux Marocains incluent à tort dans la freinte de route les moyens de chargement / déchargement tandis qu’à la lumière des articles 218 du code de commerce maritime Marocain, l’art 4 de la convention d’Hambourg et les articles 77 & 78 DOC, le transporteur maritime ne peut être tenu comme responsable des pertes de cargaison inhérentes à la négligence et mauvaise manutention du manutentionnaire ‘’sous palan’’ ;
- Vérifier les certificats de calibrage des balances de pesage du manutentionnaire devant faire l’objet d’un étalonnage régulier. (Trimestriel) ;
- Vérifier si la cargaison a fait l'objet d'une sortie directe ou a été déchargée dans les SILOS avec sorties différées. (Transfert de cargaison/garde/responsabilité sous palan au SILOS)
- Vérifier si des réserves auraient été émises par le capitaine du navire contre les pertes de cargaison au port de chargement ou de déchargement. Dans le 2ème cas de figure il n’y aurait plus présomption de responsabilité dans le mesure ou le capitaine aurait prouvé que le manquant ne proviendrait pas de sa faute ou négligence mais plutôt de la faute de la société de manutention nommée par le réceptionnaire devant être tenue comme l’unique responsable en vertu des articles 77 & 78 DOC.
Contrairement à l’usage en cours au niveau du tribunal de commerce tendant à appliquer un pourcentage de freinte de route de 1% sans tenir compte de la décision° 491 du 03/05/2012 - affaire 11/671 de la cour de cassation, la cour d’appel ordonne à chaque fois une expertise judiciaire ayant pour but la détermination du pourcentage de freinte de route sans toutefois inclure dans la mission attribuée à l’expert judicaire la distinction entre les pertes naturelles de cargaison et les pertes éventuelles occasionnées sous palan lors des opérations de déchargement suite à la négligence du manutentionnaire ( l’absence de bâches entre le navire et le quai, ou de l’utilisation de bennes non étanches, ou à la mauvaise manutention et négligence de l’opérateur de la grue, ou suite à la surcharge des camions du réceptionnaires sous la trémie).
Faute de précision de la mission confiée à l’expert judiciaire, le transporteur maritime se trouve souvent injustement pénalisé par des conclusions qui incluent les pertes à quai attribuées à la faute du manutentionnaire dans le cadre de la freinte de route contrairement aux arts 78 & 79 DOC, arts 218 du code de commerce maritime Marocain et 4 de la convention de Hambourg.
Contrairement au principe de la freinte de route dont bénéficie le transporteur maritime, il arrive aussi qu’une tolérance +/- soit préalablement fixée au port de déchargement. Ladite tolérance est souvent incorporée dans les factures commerciales conformément aux termes de la circulaire n° : 5460/312 de l’administration de la douane et des impôts indirects comme suit ;
‘’ ACCORDING TO CIRCULAIRE N° 5460/312, DISCHARGE QUANTITY MIGHT SHOW A TOLERANCE OF +/- 3%’’.
Bien que la circulaire exonère les réceptionnaires du paiement des droits de douane correspondant aux manquants enregistrés, majorité des réceptionnaires obtiennent en parallèle auprès de leur assureurs une indemnisation correspondant à la valeur assurée dudit manquant après déduction de la franchise qui à leur tour initient une action procédure en recouvrement contre le transporteur maritime.
Issam Ennassiri
P&I Club Correspondent
Juriste conseil en contentieux maritime
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