INTERVIEW avec Pr Brahim SABOUR, Algologue, UCD-El Jadida

Science
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La sargasse japonaise qui est considérée dans les milieux scientifiques comme étant l’une des plus redoutables algues invasives, vient d’être détectée pour la première fois au Maroc, entre El Jadida et Casablanca.

 

Douée d’un pouvoir reproducteur très élevé, d’une dispersion efficace des rameaux grâce aux flotteurs et surtout d’une croissance très rapide qui peut atteindre 10 cm par jour au printemps, cette algue étrangère qui est considérée comme la deuxième cause d’appauvrissement de la biodiversité marine, représente de nos jours une menace effective pour toute la côte Nationale, à commencer par celle d’El Jadida qui risque compromettre son capital en Agar Agar.

Cette découverte de grande importance environnementale et qu’on peut aisément qualifier de véritable sonnette d’alarme, est le fruit des travaux de recherches de l’équipe « Algologie, Ecologie et Valorisation des Ecosystèmes Aquatiques » relevant de la Faculté des Sciences, Université ChouaïbDoukkali d’El Jadida.

Pour en savoir plus sur cette première, nous avons contacté le Professeur Brahim Sabour qui a bien voulu nous éclairer sur ce phénomène.

Q : Comment s’est effectuée cette découverte d’autant plus que la sargasse est une espèce inconnue dans la zone et n’a jamais entamé les côtes Africaines ?

R : Cette découverte, comme vous dites, est le fruit d’un travail de recherche que nous avons entamé récemment au sein de notre Equipe, « Algologie, Ecologie et Valorisation des Ecosystèmes Aquatiques » .

Nous avons opté pour une thématique de recherche sur les algues envahissantes etCela se justifie par le manque aigu d’informations concernant la diversité et l’écologie des algues invasives, les voies de cheminement, les vecteurs associés et les implications probables sur les côtes marocaines.

C’est donc dans ce cadre là, que nos travaux de recherche sur la flore algale des côtes sur l’axe Casablanca – El Jadida – Safi  nous ont permis de détecter, pour la première fois au Maroc, la présence de l’algue invasive Japonaise Sargassummuticum avec quelques populations dans leur premier stade d’installation. Les premiers résultats de ces recherches viennent déêtre publiés récemment dans le journal international Aquatic Invasions (Sabour et al., 2013).

Cette publication correspond au premier rapport scientifique sur la présence de l’espèce sur le continent africain ce qui représente une extension remarquable de son actuelle aire de distribution géographique au Sud de la péninsule ibérique et l’introduction la plus méridionale de la sargasse japonaise le long des côtes Est de l’atlantique.

Q : Quels sont les impacts écologiques qui peuvent découler d’une pareille invasion ?

R : Lorsque les peuplements sont denses, la sargasse crée une compétition pouvant aller jusqu’à l’élimination des espèces concurrentes. La compétition pour l’occupation de l’espace, la captation de la lumière, l’utilisation des sels nutritifs se manifeste tout d’abord vis à vis des autres algues situées sur le fond : la sargasse, par l’importante canopée qu’elle forme au printemps crée un véritable écran qui empêche la diffusion de la lumière. Elle peut réduire, voire empêcher le développement des autres algues. Au niveau des algues planctoniques, la sargasse capte de l'azote et du phosphore, éléments nécessaires au développement du phytoplancton.

Q : Quels sont les répercussions côté économique ?

R : Plusieurs activités sont gênées dans les secteurs de forte densité de la sargasse. Il y a tout d’abord les fermes aquacoles (huitres, moules,..) qui peuvent être  impactée à plusieurs niveaux. D’une part la sargasse se fixe sur les coquilles créant des difficultés et du travail supplémentaire à la récolte, d’autre part, elle encombre aussi les accès, gêne l’entretien des parcs et des installations tout en alourdissant les filières d'huîtres colonisées.

Dans ce même contexte la navigation est aussi sujette à nombre de problèmes, dans la mesure où cette algue envahissante handicape la circulation soit à cause de ses latérales qui se prennent dans les hélices ou bloquent les turbines. De même que les flotteurs de la sargasse peuvent colmater les circuits de refroidissement.

Q : Dans ces conditions, est ce que la Province d’El Jadida dont les côtes abritent prés de 80% des ressources Nationales en algues rouges, risque de perdre cet avantage économique ? Autrement dit, la sargasse japonaise peut-elle détrôner le Gelidium ?

R : Il est encore tôt pour qu’on puisse nous prononcer avec certitude sur cette problématique. Tout ce qu’on peut avancer pour le moment, c’est que ce danger n’est pas à écarter totalement. Le constat actuel peut verser dans la crainte du pire, puisque la zone affectée par la sargasse est à la limite de l’aire traditionnellement connue pour ses richesses en algues rouges.

Q : Sommes-nous donc face à une situation irréversible ? Est-ce qu’il n’existe pas un moyen d’éradiquer cette invasion ou au mieux valoriser ses composantes ?

R : Les techniques de lutte contre la sargasse sont coûteuses et généralement d’une efficacité limitée. Des recherches de valorisation ont été effectuées, mais ne permettent pas encore une exploitation à caractère industriel.

                                                                   Propos recueillis par Chahid Ahmed                                                                                                                                  

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