L’EXOTISME DEVASTATEUR
Les espèces exotiques envahissantes représentent l'un des grands enjeux environnementaux du 21ème siècle. Il s’agit d’espèces allochtones ou non-indigènes dites aussi invasives, dont l’introduction volontaire ou fortuite par l’homme, l’implantation et la propagation menacent les écosystèmes les habitats ou les espèces indigènes avec des conséquences économiques, sanitaires et/ou écologiques négatives.
Elles sont caractérisées par une grande amplitude écologique, une large aire de répartition géographique, une grande tolérance vis-à-vis des facteurs environnementaux limitant pour les espèces indigènes, un taux de reproduction élevé et une efficacité de l’exploitation des ressources trophiques.
Même si cela peut paraître à priori paradoxal, elles sont considérées comme la deuxième cause d’appauvrissement de la biodiversité, juste après la destruction et la fragmentation des habitats.
Contrairement à une pollution accidentelle dont les effets diminuent non seulement avec le temps mais aussi avec la distance du point d’impact, les espèces introduites se propagent de proche en proche, jusqu'à occuper la totalité des habitats et la totalité de l'aire géographique qui leur sont accessibles.
R’BIA, SERAIT-CE LA FIN D’UN REGNE ?
Les côtes marocaines, qui s’étendent sur 3500 km, présentent une richesse importante en espèces d’intérêts économique et écologique. Mais malgré cette diversité importante, presque une seule espèce d’algue rouge, Gelidium sesquipedale, et dont les côtes d’El Jadida abritent prés de 80%, est exploitée pour sa richesse exceptionnelle en agar-agar ou gélose fortement plébiscité pour ses propriétés gélifiantes étonnantes.
L’exploitation du Gelidium a débuté à El Jadida en 1949, surtout pour l’espèce G. sesquipedale qu’on trouvait en abondance rejetée en épave par la mer ou sur les rochers du médiolittorale.
De nos jours, lors des périodes de récolte, ce sont quelques milliers de riverains démunis et plusieurs centaines de barques qui charrient une biomasse algale avoisinant les 14000 tonnes, générant ainsi un chiffre d’affaires dépassant les 30 millions dhs.
Cette espèce a un rendement intéressant en agar avoisinant les 25 à 30% du poids sec. Elle est la seule de la flore marine marocaine, que la loi essaye de protéger de l’intense exploitation destructive.
Aujourd’hui, il s’avère que l’intrusion de la Sargasse Japonaise dans l’aire de prédilection du Gélidium peut représenter une menace réelle pour cette dernière. C’est ce qu’on peut qualifier de duel à mort, où notre « sympathique » R’bia serait loin d’être en mesure de repousser les assauts destructeurs de cette rivale nous vient d’ailleurs.
Modalités d'introduction et répartition
La sargasse a été très probablement importée accidentellement un peu partout dans le monde depuis l’Asie, sous forme de zygotes ou peut-être de plantules, avec les naissains de l'huître japonaise Crassostrea gigas, comme ceci a pu être démontré en Europe (Verlaque et al. 2007).
En 1966, des importations clandestines auraient déjà été effectuées. Officiellement, les importations massives de C. gigas en provenance du Japon et de la côte ouest des USA ont eu lieu en 1975.
En 20 ans, cette algue a colonisé les côtes atlantiques de la Norvège au Portugal, ainsi que celles de France en Méditerranée (Verlaque et al 2007) : en 1973, elle est repérée en Angleterre ; en 1975, elle est en baie de Seine ; en 1976, elle se développe à proximité des installations ostréicoles de Saint-Vaast-la-Hougue et de Grandcamp.
Elle atteint les Pays-Bas en 1980, et progresse en Manche occidentale. En 1982, elle apparaît en quelques localités de Bretagne Sud, et se trouve l’année suivante dans le bassin d’Arcachon en France. Dernièrement, la sargasse a été observée dans la lagune de Venise et en Suède (Loraine, 1989).
Tout récemment, l’espèce a franchi la péninsule Ibérique et a été détectée sur les côtes atlantiques marocaines (Sabour et al., 2013). Ces localisations très éloignées témoignent de sa grande tolérance vis-à-vis du milieu qu’elle colonise.
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