Comparée aux autres formes de saisies dont un navire pourrait faire l’objet (La saisie arrêt, La saisie revendication, la saisie opérée par la douane à l’issue d’une fraude impliquant le navire ….), la saisie conservatoire demeure la plus courante en pratique et sa particularité réside dans son efficacité comme moyen de pression et de sauvegarde des intérêts d’un créancier.
La saisie conservatoire se définit comme étant une procédure mise à la disposition d’un créancier en vue de garantir le recouvrement d’une créance maritime. Elle peut être procédée à toute époque, soit par le biais d’un titre exécutoire (Jugement définitif, sentence arbitrale, lettre de change, chèque….), ou bien moyennant une autorisation du juge compétent.
Rarement, la saisie conservatoire est succédée par une saisie exécution considérant le préjudice supporté par l’armateur qui se retrouve privé de l’exploitation de son navire outre les frais et charges inhérentes à son immobilisation (frais portuaires et de stationnement…). Par conséquent, l’intérêt de l’armateur réside le plus souvent dans la prompte levée de la saisie conservatoire en contrepartie d’une bonne et suffisante caution ou éventuelement un règlement amiable.
Outre l’intérêt et la qualité du requérant devant être en possession d’un titre exécutoire, ou éventuellement porteur du(es) connaissement(s) couvrant la cargaison avariée ou avec manquants, la créance requiert un caractère maritime tel qu’énoncé par l’article 1 de la Convention internationale pour l’unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer conclue à Bruxelles, le 10 mai 1952 ;
a. Dommages causés par un navire soit par abordage, soit autrement;
b. Pertes de vies humaines ou dommages corporels causés par un navire ou provenant de l’exploitation d’un navire;
c. Assistance et sauvetage;
d. Contrats relatifs à l’utilisation ou la location d’un navire par charte-partie ou autrement;
e. Contrats relatifs au transport des marchandises par un navire en vertu d’une charte-partie, d’un connaissement or autrement;
f. Pertes ou dommages aux marchandises et bagages transportés par un navire;
g. Avarie commune;
h. Prêt à la grosse;
i. Remorquage;
j. Pilotage;
k. Fournitures, quel qu’en soit le lieu, de produits ou de matériel faites à un navire en vue de son exploitation ou de son entretien;
l. Construction, réparations, équipement d’un navire ou frais de cale;
m. Salaires des Capitaine, Officiers ou hommes d’équipage;
n. Débours du Capitaine et ceux effectués par les chargeurs, les affréteurs ou les Agents pour le compte du navire ou de son propriétaire;
o. La propriété contestée d’un navire;
p. La copropriété contestée d’un navire ou sa possession, ou son exploitation, ou les droits aux produits d’exploitation d’un navire en copropriété;
q. Toute hypothèque maritime et tout mort-gage.
Lorsque la saisie est ordonnée pour les créances prévues aux alinéas O et P, le juge peut permettre l’exploitation du navire par son possesseur, lorsque celui-ci aura fourni des garanties suffisantes, ou régler la gestion du navire pendant la durée de la saisie (Art 5 de la convention de Bruxelles 1952).
La saisie porte soit sur le navire auquel la créance se rapporte, soit tout autre navire appartenant à celui qui était, au moment où est née la créance maritime, propriétaire(s) possédant(s) la totalité des parts sociales du navire auquel cette créance se rapporte, mais aucun navire ne pourra être saisi pour une créance prévue aux alinéas O, P ou Q de l’article premier à l’exception du navire même que concerne la réclamation (Art 3 de la convention de Bruxelles 1952).
Dans le cadre d’un affrètement ‘’coque nue’’, la saisie peut porter soit sur le navire affrété, soit sur tout autre navire appartenant au même affréteur.
D’un point de vue procédural, la saisie conservatoire est ordonnée par le président du tribunal dans le ressort duquel le navire est amarré en sa qualité de juge des référés, et ce, moyennant une ordonnance sur requête introduite dans le cadre de l’article 148 CPC.
L’octroi d’une ordonnance de saisie conservatoire suscite une certaine diligence quant à la qualité du demandeur ainsi que par rapport au préjudice allégué, par ailleurs, il est primordial que vérifications soient faites sur base des documents à l’appui joints à la requête du requérant.
Bien que les documents à l’appui différent selon la nature du préjudice, la diligence porte généralement sur ce qui suit ;
⦁ Le(s) connaissement(s) & Déclarations de douanes (DUMs) afin de s’assurer que le demandeur est bien le propriétaire de l’expédition.
⦁ La police d’assurance lorsque le chargeur/réceptionnaire est subrogé par ses assureurs.
⦁ Certificat phytosanitaire de refoulement de la cargaison émis par l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) dans l’hypothèse d’un dommage à la cargaison.
⦁ Factures commerciales libellées au nom du réceptionnaire.
⦁ Rapport d’expertise fait suivant un suivi de déchargement ou dommage à la cargaison.
⦁ Attestation (s) de poids en cas de manquant à la cargaison.
⦁ Certificat de destruction délivré par une société de destruction reconnu auprès du tribunal compétent à l’issue d’une opération de destruction en présence des services de l’ONSSA.
L’ordonnance de saisie conservatoire peut être conditionnée par l’initiation d’une procédure au fond dans un délai déterminé (Art 7 de la convention de Bruxelles 1952), comme elle peut être conditionnée par la fourniture d’une caution par le demandeur ( Art 110 DCCM).
Bien que systématiquement exigée dans d’autres pays voisins en vue de limiter les saisies abusives, la caution susmentionnée n’a jamais été exigée par les juridictions Marocaines, en outre, les ordonnances de saisies sont rarement assorties d’un délai de 30 jours pour initiation d’une procédure au fonds ou d’arbitrage.
En vertu de l’article 110 du DCCM, la saisie conservatoire peut être assortie de l’immobilisation du navire à quai (le ne vaire ne peut pas être shifté en rade) , cependant, lorsque la saisie conservatoire porte sur plusieurs parts de la copropriété du navire représentant moins que la moitié de la valeur totale du navire, cette dernière ne doit pas entrainer l’immobilisation du navire.
L’ordonnance de la saisie conservatoire peut être exécutée même en dehors des heures de travail, pendant les weekends et jours fériés lorsqu’elle est demandée par le requérant.
Dès obtention de l’ordonnance de la saisie conservatoire, le requérant procède à sa notification pour exécution auprès du commandant du port (Capitainerie du port) généralement désigné comme gardien du navire saisi et qui par conséquent, ne peut s’en dessaisir que s’il y est autorisé par la justice.
A l’instar de l’ordonnance de saisie conservatoire, la levée de saisie est ordonnée par le président du tribunal l’ayant ordonnée moyennant une ordonnance sur requête introduite dans le cadre de l’art 148 CPC, après conclusion d’un règlement amiable, ou après fourniture d’une valable et suffisante caution comme suit ;
⦁ Une LOU Club (Letter of undertaking) émise par un P&I Club du groupe international (⦁ The International Group of P&I Clubs).
⦁ Une LOU Club remplaçable par une caution bancaire émise par une Banque Marocaine sous un délai déterminé.
⦁ Une caution bancaire après commun accord sur ses termes. A défaut, l’armateur/affréteur peut introduire une ordonnance sur requête à caractère contradictoire dans le cadre de l’article 149 du CPC en vue de confirmer ou infirmer la suffisance de la caution bancaire ainsi que ses termes.
⦁ La consignation du montant de la saisie à la cour suivie préalablement à l’obtention d’une ordonnance de levée de saisie (Art 148 CPC).
En définitive, il convient de souligner que la saisie conservatoire constitue une arme à double tranchant, en effet, tout abus dans l’utilisation de cette procédure est susceptible d’entrainer une action pour saisie abusive contre son initiateur.
Issam ENNASSIRI.
Conseiller juridique en droit maritime.
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