Bras de fer franco-espagnol autour de l'avenir de la pêche en Europe

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VIGO (Espagne), 5 mai 2010 (AFP) - Un bras de fer se dessine entre les grandes nations de pêche de l'UE, Espagnols et Français en tête, dans les négociations sur les réponses à apporter à la surexploitation des stocks de poisson et à l'avenir des pêcheurs.

Mardi et mercredi à Vigo, plus grand port de pêche espagnol dans le nord-ouest du pays, les ministres européens ont donné le coup d'envoi à quinze mois de pourparlers sur la réforme de la Politique commune de la Pêche (PCP).

La Commissaire européenne Maria Damanaki espère boucler la réforme d'ici la fin 2011. Mais le bras de fer a d'emblée commencé, opposant l'Espagne, numéro un du secteur, à un groupe de pays menés par la France, l'Irlande et l'Allemagne.

L'Espagne, qui occupe la présidence tournante de l'UE, pèse en tonnage pour un quart de la flotte européenne. Elle a été accusée lundi dans un rapport de l'ONG Greenpeace d'avoir utilisé ces dernières années les subventions européennes pour renforcer son armada de navires industriels et piller les océans de la planète.

Madrid milite notamment pour la mise en place d'un marché européen des droits de pêche, qui permettrait à des entreprises de pêche de racheter leurs quotas de captures autorisées à d'autres.

"Aujourd'hui la pêche fait partie de ces secteurs dans lesquels on n'applique toujours pas les règles du marché intérieur" de l'UE, argumente le secrétaire général de la Confédération espagnole des pêches, Javier Garat.

Au Danemark où un marché des "quotas individuels transférables" (QIT) a été mis en place au niveau national, la mesure a permis en trois ans de réduire de 30% la flotte, fait valoir la Commission. Pays-Bas et Estonie tirent aussi un bilan favorable d'expériences similaires.

L'idée n'est pas du goût de la France qui l'a fait bruyamment savoir à Vigo.

Finalement, la peur de voir de riches entreprises étrangères, notamment espagnoles, faire main-basse sur leurs "droits de cueillette" a conduit la quasi-totalité des Etats, à l'exception de l'Espagne, à s'opposer à l'idée d'un marché européen, selon des diplomates.

Même les Danois, Néerlandais et Estoniens ont plaidé pour limiter de tels systèmes au niveau national.

Bruxelles entend désormais réfléchir à des "QIT" nationaux, a expliqué Mme Damanaki, ainsi qu'à des garde-fous pour "éviter une trop forte concentration".

L'Espagne milite aussi pour un régime spécifique à la petite pêche côtière (71% de sa flotte), et sa ministre Elena Espinosa s'est réjouie mercredi d'avoir obtenu un consensus sur "la pertinence d'établir une différence entre pêche artisanale et pêche industrielle".

Mais la définition de la pêche artisanale est loin de faire l'unanimité.

Là aussi, la France est sceptique sur l'utilité d'une définition unique au niveau européen alors que le secteur est très différent d'un Etat à l'autre.

Cela "créerait des effets d'aubaine dans certains pays" au détriment d'autres n'ayant pas la même structure de flotte, fait valoir un négociateur français.

Enfin, les 27 ont encore du travail pour définir une plus grande régionalisation de la prise de décision sans rajouter plus de bureaucratie, ou sur le volet social de la PCP, alors que les conditions d'emploi des pêcheurs varient très fortement d'un Etat à l'autre.

A quelques rues de la réunion ministérielle, au milieu des bacs de cabillaud et de langoustines de la criée de Vigo, Alex, la trentaine, dit n'attendre "rien de bon" de la réforme.

Des réformes précédentes déjà "nous n'avons jamais vu d'amélioration, les choses n'ont fait qu'empirer", confie le jeune crieur qui depuis ses débuts à 17 ans sur les quais du port a vu de plus en plus de chalutiers locaux disparaître.

 

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